* En 1789, le chiffre de 527 habitants est donné pour Plaines-Saint-Lange, la population française est d’environ 29 millions dont 80% de paysans.
* Le 15 janvier 1790, le pays est divisé en 83 départements. Chacun d’eux sera dirigé par un Conseil de 28 membres et un procureur général syndic chargé de faire appliquer les lois. Ces procureurs sont élus par les citoyens et non par le gouvernement central (comme les intendants de l’Ancien régime ou comme les préfets depuis Napoléon).
Le découpage départemental a obéi à une règle concernant la superficie des communes : au minimum 300 lieues carrées et au maximum 342 lieues carrées (la lieue vient du latin leuca qui selon les auteurs latins aurait pour origine un mot gaulois, cette mesure de distance variait selon les pays et les régions, on l’évalue aujourd’hui à environ 4 kilomètres). Le département est donc le résultat d’un découpage qui ne correspond pas dans tous ses aspects à des critères autres que ceux de la planification impérative du fonctionnement administratif.
Le plus souvent, les communes furent calquées sur les anciennes limites des paroisses qui elles-mêmes étaient déjà fixées avant le XIIème siècle et s’appuyaient sur de vieux axes routiers qui remontaient à la période gallo-romaine et étaient encore en usage. Un certain nombre de petites communautés disparurent car elles n’obtinrent pas le statut municipal.
Bar-sur-Aube et Bar-sur-Seine souhaitaient être rattachées au département de l’Aube et devenir chef-lieu de district. Bar-sur-Aube invoqua la facilité des liens avec la Champagne et obtint facilement gain de cause. Bar-sur-Seine regrettait d’avoir été incluse à la Bourgogne en 1720 et arguait de la proximité de Troyes, son appartenance à la Champagne et l’éloignement de Dijon. Au cours de ce découpage administratif, Bar-sur-Seine, sur sa requête, fut distraite de la province de Bourgogne par le décret du 29 janvier 1790.
La ville de Troyes fut choisie comme chef-lieu de département par décret du 29 février. D’autres changements eurent lieu au niveau des cantons : Neuville voulait rester avec Châtillon-sur-Seine. La borne qui limite le nord de la Bourgogne et le début de la Champagne se trouve sur le bord de la route 71 à la sortie de Buxeuil, elle est désormais classée. Les cartes des géographes royaux notent les mêmes limites.
* Après 1789, la politique linguistique changea : volonté d’une langue unifiée à l’intérieur de la République car elle doit représenter la liberté. La mort des patois fut voulue par les révolutionnaires pour faire de la forme choisie par François 1er, un instrument politique de diffusion des idées nouvelles. On nomme toujours H. Grégoire (1761- 1861), ecclésiastique rallié au Tiers Etat qui fut le 1er à prêter serment à la Constitution civile du clergé en 1790, comme un ardent partisan de la francisation (il y avait alors 3 ordres : Clergé, Noblesse et Tiers-Etat).
Ces parlers de divers dialectes et de leurs patois survécurent jusqu’à la première guerre mondiale (1914-1918), ils ont laissé des vocables intégrés dans la langue actuelle, ils font partie du français dit officiel et sont issus des dialectes bourguignon, champenois, autour du francien, orléanais et bourbonnais. Comme dans toutes les provinces, les patois assuraient la communication au quotidien au moins pour le petit peuple. Certains vieux vignerons nés au début du 20ème siècle presque au moment de la 1ère guerre mondiale (1914-1918), questionnés lors d’une brève enquête concernant le travail de la vigne, (de Mussy à Buxeuil en 2001 et 2002) ont évoqué spontanément l’aspect linguistique de leur vie déclarant que la diversité des mots ne gênait pas les échanges d’un village à l’autre.
* En 1791, fuite du Roi arrêté à Varennes.
* Le 20 septembre 1792, une ordonnance confie l’état civil à l’autorité civile, ainsi que les fichiers créés. Depuis cette date, c’est le maire qui procède à l’enregistrement des naissances et décès et célèbre les mariages.
La Convention proclame la première république.
Décision d’un système métrique commun à toutes les régions.
Le registre initial des naissances à la mairie de Plaines-Saint-Lange est répertorié : E 2 n° 1, il est ouvert le 13 déc.1792 et le premier enfant inscrit est venu au monde le 11 janvier 1793, il s’appelait Planson Nicolas.
L’identification patronymique naît elle aussi avec la révolution, le nom dit « de famille » correspondra à un lieu d’origine, un métier, un surnom, un trait physique ou de caractère etc…
1793, plusieurs puissances européennes assiègent la France révolutionnaire (Angleterre, Prusse, Espagne…), les événements tragiques et sanglants se succèdent, ils favorisent le coup d’état de Bonaparte le 18 brumaire 1799 qui clôt la période révolutionnaire.
* 1794 est la cinquième année qui suit la Révolution, une pierre est gravée et insérée à la base du pilier droit de la porte d’entrée de la Mairie avec ces mots : cette pierre a été posée par MM. Pourier M et Gourdon A. AN II.
Or en 1794, la mairie actuelle n’était pas construite ni aucune maison alentour, de toute évidence il faudra revenir sur cette anomalie.
* En 1804, Bonaparte est sacré empereur.
Il procède au remaniement de pratiquement tous les secteurs du pouvoir, notamment de l’administration, il institue : Préfets et Sous-Préfets. Dans notre région, il modifie le district de Bar-sur-Seine qui perd : Chaource, Ricey, Essoyes, Mussy. Ses armées envahissent l’Europe, il pratique alors largement le népotisme en plaçant des membres de sa famille à la tête des royaumes conquis. Retraite de Russie, abdication en 1814, exil à l’île d’Elbe, les Cent jours, Waterloo, deuxième abdication et exil à Ste Hélène. Signalons que Napoléon et ses soldats survivants, après la défaite dans les neiges et les glaces russes, ont retraversé toute l’Europe talonnés par les cavaliers cosaques qui les suivirent jusqu’à Paris, qu’ils occupèrent bivouaquant sur les Champs Elysées, après être passés à St-Dizier, Brienne (où Napoléon avait voulu revoir l’Ecole militaire de sa jeunesse), puis Montereau et Paris. Certains de ces cosaques restèrent à Paris ou dans les régions traversées (notamment dans le nord de notre département où ils ont créé des associations).
De 1814 à 1824, Louis XVIII est appelé au trône, la Charte de 1814 montre une double opposition avec les Ultras qui veulent un retour intégral à l’Ancien Régime et les Libéraux qui veulent l’application des revendications révolutionnaires.
Après 1818, la confection des cartes pour les officiers dites « d’Etat-Major » fut entreprise.
* De 1824 à 1830, Charles X est sur le trône, faible redressement financier et petite croissance économique (ces deux dernières monarchies étaient constitutionnelles et non démocratiques).
* De 1800 à 1975, fusion de nombreuses communes, la plupart après la Grande guerre (1914-1918), modification de toponymes.
* A la date du 22 novembre 1828, s’ouvre le premier registre sur lequel sont consignées les réunions du Conseil municipal, c’est un format 19 X 28, couverture cartonnée en vert et noir, le papier en est épais et jauni, l’écriture soignée avec une calligraphie différente de celle utilisée actuellement. Quelques lignes de rappels comptables nous reportent en arrière jusqu’à l’année 1817. Sur la première page, avec pleins et déliés, sont tracées ces quelques lignes d’une formule consacrée :« Registre contenant cent trente-huit feuillets côtés et paraphés par nous Nicolas Chaumonot maire de la commune de Plaines, propre à recevoir les délibérations du Conseil municipal et autres actes différents. Fait en mairie à Plaines le 22 novembre 1828 » c’est-à-dire dans la « maison commune » située alors sur la place du village. Cette réunion a lieu en présence du Sous-Préfet de l’arrondissement de Bar-sur-Seine, de neuf conseillers municipaux et de l’ancien Maire pour examiner et débattre des dépenses faites de1816 à 1827.
* Le Roi Charles X est encore au pouvoir pour deux ans.
Dès le premier registre, peu après la révolution de 1789, nous comprenons très vite que le village est viticole, pastoral, pauvre et les difficultés rencontrées par le Conseil sont grandes. Les revenus sont fournis presque uniquement par la forêt.
* Les problèmes permanents concerneront l’école, la construction du pont, l’entretien des vicinaux et des bâtiments.
* La révolution industrielle va faire irruption et s’imposera vers 1836 avec la construction de l’usine métallurgique et les maisons pour loger les ouvriers recrutés, la vie traditionnelle fortement liée à la terre se trouvera ébranlée.
* Trois guerres surgiront entre 1870 et 1945.
* La population est dure au travail, sans protection sociale et peu d’instruction. Les maires et conseillers municipaux qui se succèdèrent furent pour beaucoup des personnes de valeur soucieuses de leur responsabilité et liées avec les habitants par une grande solidarité.
Nous entrons dans Plaines à pied, notre petit résumé d’histoire en tête avec l’intention de « questionner » les pierres, à la recherche du passé proche et lointain à la fois, celui que la lecture des registres des délibérations nous permet d’évoquer, compte rendus authentiques et précieux.
Imaginons notre route…toute blanche et riche en cailloux, elle longe la Seine dans ses creux et ses goulots, l’hiver enneigée ou boueuse, elle accompagne la rivière avec ses hautes eaux tumultueuses, lors des chaudes journées d’été, elle poudre ses bas-côtés de poussière crayeuse levée par le passage des chariots et des chevaux. Elle est très fréquentée quel que soit le temps : par piétons, trimardeurs, villageois qui se rendent à une foire voisine, par des charrettes chargées de bois, de récoltes de grains, de fourrage que tirent des mules ou des chevaux, par des armées entières qui circulent au moment des conflits avec les soldats et tout leur fourniment. Les troupeaux de bétail qui montent à Paris empruntent évidemment la route. Le berger qui les conduit, le boeutier, emmène son troupeau en 11 à 15 jours, il galvache c’est-à-dire qu’il chante sans cesse. Quand il s’arrête de chanter, les bœufs arrêtent leur marche.
* Sur la route circulent aussi des cavaliers solitaires, des chaises-poste, des diligences chargées de voyageurs dont la destination est plus ou moins éloignée, parfois même au-delà des frontières. Ce sont des personnes de pouvoir, des commerçants, des hommes d’affaires (ainsi furent imaginés, il y a très longtemps les lettres de change, ancêtres de nos chèques, pour ne plus prendre le risque de transporter des bourses remplies de pièces de valeur). Les indispensables relais de poste, distants de 30 à 50 kilomètres, permettent à bêtes et gens de se reposer, dormir, manger, changer de chevaux et aussi consolider ou réparer un attelage. Tous les voyageurs sont éprouvés par l’inconfort du transport, secoués, mal protégés des intempéries : l’hiver une couche de paille ou de foin est répandue sur le plancher des voitures pour lutter contre le froid, on se protège aussi avec des couvertures, des chaufferettes en métal de toutes tailles qui atténuent un moment la froidure des pieds et des mains, en été il faut subir toujours les cahots et la poussière.
* Le courrier voyage cependant avec une certaine régularité à travers la France. Tout un chacun a entendu parler de Mme de Sévigné (1636 à 1696) talentueuse épistolière ayant habité tour à tour la Bretagne puis Paris. Elle écrivit des centaines et des centaines de lettres à ses relations et principalement à sa fille qui vivait dans le Midi. C’était le 17ème siècle, elle pouvait suivre en pensée, étape par étape le parcours de son courrier. Les informations urgentes depuis des siècles circulaient à bride abattue avec les chevaux.
Dans chaque village les lettres étaient introduites dans une boîte en métal fermée à clef. En général 3 fois par semaine, un employé portait la boîte dans une ville d‘importance.
La route aussi droite que le permettait le relief présentait des dangers au niveau de son revêtement toujours à remanier (nous verrons la préoccupation constante pour l’entretien des vicinaux dans les communes), les rencontres avec détrousseurs et bandits étaient possibles.
Après l’époque romaine et ses grandes bornes de pierre qui indiquaient directions, distances à parcourir, quel type de bornage a été en usage ? ou tout bonnement ceux qui voyageaient connaissaient les trajets comme tous les habitués de chemins souvent empruntés. L’invention de l’automobile d’assez récente date, suivie de celle des pneus par les frères Michelin furent très vite à l’origine de grands panneaux signalétiques et de l’édition de cartes et guides routiers.
Les cabanes des cantonniers jalonnèrent les parcours avec des tas de pierres érigées comme autant de petites pyramides pour combler les charrières, l’entretien indispensable et permanent se régla au niveau du canton d’où le nom de ses employés. Le goudronnage des chaussées interviendra vers 1939 sur la route nationale 71.
Les particuliers pour se déplacer pouvaient appeler un voiturier, c’était une profession répandue (un service de voitures publiques avait été institué en 1861). Sur les registres sont notés les déplacements des maires ou des conseillers, quand ils doivent se rendre pour le service de la commune à Bar-sur-Seine, Châtillon, Troyes ou même Paris. Le compte rendu de la délibération inscrit la dépense occasionnée : voiturier et autres frais, le plus souvent une somme globale avec laquelle tout régler. Quelques rares habitants du village atteints de maux graves purent se rendre à Paris pour y être soignés et leur voyage fut payé par la commune.
* En 1828, date d’ouverture de ce premier registre, pour parvenir au village de Plaines, un unique accès : quitter la route Royale, au carrefour toujours présent face au pont. Sur la route en direction de Mussy, plus ou moins en retrait, quelques cultivateurs se sont installés sur les terres alentour. A droite, l’espace est libre jusqu’aux bâtiments du relais de poste, ancêtre du relais actuel (place d’une porte cochère visible). Sur le terrain inoccupé, s’élèveront les cités de l’usine et face à elles, le hameau des Forges de la famille Obéniche.
Retour au croisement pour se rendre au village, le tournant est en pleine campagne. D’après la transmission orale, les deux maisons qui donnent directement sur la route étaient déjà bâties et habitées par des paysans, celle de Dolly ne fut bâtie qu’en 1867 (date gravée dans la pierre). Le carrefour était marqué par un socle de pierre surmonté d’une croix en fer forgé, ornée à sa base par une vierge. Cette très belle croix fut enlevée du lieu, quand la séparation de l’Eglise et de l’Etat fut votée en 1905.
Le couvent est présent lui aussi avec son entrée principale, entre les deux grands piliers presque en bas du gripot (petite côte). Quelques dizaines de mètres et c’est l’arrivée droit sur la Seine enjambée par un pont de bois construit par les habitants du village (avant la révolution, cette lourde tâche leur incombait au même titre que l’entretien des routes et chemins, héritage des corvées dues aux seigneurs des lieux).
La trouée du pont est la seule voie possible.
Ce pont, dès la première réunion du conseil municipal, s’avère être un grand sujet de préoccupation. Il supporte les multiples passages des tombereaux et charrettes de bois, des récoltes céréalières, viticoles, les déplacements du bétail, il dessert une partie du finage … Il est le lien unique avec la route royale, cordon ombilical de la commune pour rejoindre les villages voisins et la ville, il est en train de s’effondrer. Sans lui il faudrait faire le détour par Mussy. Les habitants d’alors sont habitués à marcher beaucoup, mais le pont est indispensable.
Le pont franchi (les platanes ne sont pas encore plantés), le chemin des Larnes (ALCB I 204 : vallon, fond de vallée). Ce chemin blanc et caillouteux serpente parmi les champs et les prés un peu en désordre : il a pris le nom de celui qui conduit en direction des Cras.
A droite de ce parcours, l’espace cultivé s’étend du bord de la rivière jusqu’au bois des Cras. A gauche, l’espace en culture, bien moins vaste que le précédent, rejoint la rivière de Seine. De ce côté sur la pente douce d’une collinette, la silhouette trapue de l’église domine un peu, bâtie avec les pierres du pays et couverte de laves. Les maisons du village se déroulent autour d’elle en déclive jusqu’à la rivière dont le cours est bordé d’arbres et de haies. La distance à travers champs d’un petit kilomètre entre route royale et village est vite parcourue. Sur notre droite peut-être s’élève alors une tourelle appuyée sur un humble bâtiment rectangulaire d’un étage au milieu d’une pièce de terre. Puis plus rien.
Il faut marcher encore un peu pour mieux voir la vaste propriété que l’on distingue depuis le bas du pont, ceinte de grands murs, elle s’étire vers la Seine. Trois de ses angles présentent des édifices, genre de tours, spacieuses et hautes d’un étage, un grand bâtiment clôt le mur d’enceinte côté village. Des bâtisses s’élèvent dans l’enclos. En dehors, les terres s’étendent jusqu’à la Seine. A gauche de la route, la « première tour » marque l’entrée du village. A partir du portail de la ferme, quelques maisons se dressent sur la droite.
* Donc en 1828 avant cette ferme, sauf la possible présence de la petite maison avec sa tourelle posée au milieu d’un champ, il n’y a aucune autre construction des deux côtés de la route : ni habitations, ni mairie, ni écoles. Cette propriété que nous avons entendu nommer comme « fortifiée » appartenait à Mme Moysen.
Le village commence donc avec la ferme à main gauche et la rue Marguet alors très étroite. Sur la droite en retrait, une ou deux bâtisses puis les maisons du village s’élèvent modestes, serrées l’une contre l’autre. Une douce inclinaison montante de la rue débouche tout de suite sur un espace réduit (cette légère pente a été très atténuée par l’accumulation des matériaux lors des réfections de la chaussée). C’est la place ou plutôt une placette ornée par un bel orme (nous le retrouverons nommé plus tard sur les registres, au moment où il faudra l’abattre pour cause de maladie, il ne sera pas remplacé).
A gauche, la chapelle, hommage dédié à St Vorles (551 à 591), a été bâtie en 1703, son toit est couvert en laves. Le 16 juin, ce saint local est fêté avec une procession importante. Le buste du saint statufié est porté à l’église où une messe est célébrée. L’entrée s’effectue évidemment par la porte centrale de la nef, les participants à l’office déposent dans une corbeille au sol au centre du choeur, un très petit bouquet de fleurs diverses souvent cueillies dans les champs et retenues par un lien, ces fleurs sont bénies au cours de la cérémonie. Chacun en sortant prend un ou plusieurs bouquets au hasard pour l’offrir à un vivant ou un mort, ou le conserver à la maison, un peu comme l’on procède avec le buis des Rameaux. Un chant dédié à St Vorles avait été composé, les paroles étaient connues de plusieurs villageois mais la modeste partition musicale était perdue. Quelques personnes ont contacté Hélène Beauvalet (personne pieuse qui toujours avait consacré beaucoup de temps à l’église du village et connaissait tous les cantiques), elle vivait chez un neveu non loin de Plaines. Très âgée, elle a su chanter le cantique à un musicien châtillonnais qui en a noté la musique.
Des processions du saint ont eu lieu les années de grande sécheresse ou d’épidémie (peste, choléra). Un vitrail au-dessus de la porte d’entrée de l’église représente le miracle accompli par Vorles, le curé de Marcenay : il tient par la main un jeune enfant qu’il sauve d’une maison en flammes, alors qu’au même moment à Marcenay, ses paroissiens le voient en extase suspendre le sacrifice de la messe. Cette maison aurait occupé l’endroit où se dresse la chapelle actuelle. Sur les registres de l’état civil, Vorles est un prénom courant pour bien des petits garçons, il y eut même une fillette prénommée Vorlette.
A Châtillon, la très belle église du XIIème qui domine la ville est dédiée à St Vorles, celui qui aurait reçu la grâce du don d’ubiquité. La dernière célébration de St Vorles a eu lieu à Plaines vers 1954.
Autour de cette petite place, s’élève aussi la Maison d’école signalée en 1828 comme étant quasi mitoyenne à la boulangerie-auberge, il y a aussi un épicier, un boucher, un forgeron maréchal-ferrant (certains d’entre nous ont connu l’ultime artisan dans les années 1940), une auberge, un cabaret à l’actuel n° 5, le propriétaire, un nommé Poyotte gérait un café et un bal dont le plancher a survécu jusqu’aux années 1990. Mr Bréjard, coiffeur à Mussy, le 16 mai 1934 s’y était installé pour donner le dernier coup de peigne à la mariée et aux autres invitées d’une noce. Cette maison fut vendue, sûrement en 1935 (Poyotte était le surnom d’un Disle, membre d’une grande et ancienne famille du village).
La place est étroite, mais au fil de la lecture des registres, nous comprenons que sa petitesse ne l’a pas empêchée d’être toujours un lieu de rencontres et d’animation où s’installaient les étals des commerçants ambulants, les fêtes, le garde champêtre qui informait les habitants, à son de tambour, en criant « Avis à la population », sa voix ameutait adultes et enfants, ces derniers heureux de courir à toutes jambes pour jouer les messagers. Les habitants s’y croisaient fréquemment pour vaquer à leurs occupations, les troupeaux la traversaient, c’était un va et vient permanent.
Les anciens habitants finiront par parvenir à agrandir quelque peu la placette pour la rendre telle que nous la connaissons aujourd’hui. Comme le reste du village à cette époque, elle n’a pas de caniveaux, peu de trottoirs, les toitures sont en laves du pays. Les eaux pluviales coulent à flots des toits souvent dépourvus de channattes (ALB III carte1396 signifie chéneau), ruissellent, dévalent des vignes avec force, déposent cailloux, graviers, boues, et ravinent toutes les rues pentues.
Les registres montrent que la plupart des travaux sont effectués par des artisans locaux avec aussi, autant que faire se peut, avec des matériaux locaux. C’est ainsi que chaque région est marquée par les traits de sa terre et que les générations successives ont pu encore admirer les magnifiques toitures de laves grises qui couvraient les bâtiments. Le poids important de ces laves exigeait des charpentes impressionnantes, mais les arbres eux aussi étaient nombreux sur le finage et les artisans nous ont laissé bien des preuves de leur savoir-faire. D’anciennes cartes postales nous donnent à voir ces toitures sur la place. Des plainois, encore enfants durant la 2ème guerre mondiale, en ont connues plusieurs.
Les laves se divisaient en feuilles épaisses et protectrices. La pierre du pays a été largement utilisée pour la construction d’un grand nombre des maisons du village avec leurs caves voûtées indispensables aux vignerons, où en toute saison la température se maintenait entre 10 et 13 degrés (les caves enterrées ne possédaient pas cette qualité). De belles arches d’entrée de vinées ou de granges élevées avec des pierres d’un blanc plus ou moins cassé ou coquille d’œuf sont encore présentes. La pierre du pays en grandes dalles irrégulières était très utilisée, aussi pour les sols des salles communes.
Les carrières du finage ont fourni les pierres des murets et murs de pierres sèches érigés avec un talent particulier en ménageant, quand cela s’imposait à intervalles réguliers, les trous de bouillot ou bouyot, joliment exécutés comme s’ils étaient là pour le décor (dans le droit coutumier ils signalaient la mitoyenneté). Les dites cadoles (vocable d’origine grecque), il n’en reste qu’une seule en très bon état sur le finage de Plaines en Faucillière, où 3 parcelles seront encore acquises par la commune en 1898. De son vivant, le père de F. Vaury entretenait les deux cadoles bâties dans ses vignes. Dans notre région, le vocable clôt ou clou (étymologie grecque) appartient à la vigne ou par extension désigne le verger lieu qui enferme une production précieuse.
Les charbonniers et les bûcherons le plus souvent cabanaient dans des loges, ils venaient au village seulement pour les provisions (souvent les femmes cuisaient le pain de la semaine dans leur propre maison).
* Au n° 17 de la rue du moulin, en 1793 a été achevée la construction d‘une maison (Réjane), dominée par un mur imposant, récemment objet d’une importante restauration. Ce mur s’élève très haut jusqu’à l’église qu’il soutient, ainsi que la petite partie mitoyenne du cimetière. A l’origine, la butte sur laquelle l’église a été élevée devait achever doucement et naturellement sa pente en direction de la Seine et peut-être traverser ou empiéter sur la rue du moulin qui existait déjà mais étroite, sans trottoirs et mal commode en raison de l’habitat installé. Car pour atteindre les moulins, et bien sûr le chemin vicinal n° 2 conduisant à Mussy, la route des Riceys et celle de Molesme, il fallait, en arrivant de la place du village, prendre cette rue du Moulin et la suivre jusqu’au bout, les habitants étaient alors nombreux à se rendre souvent aux moulins et à emprunter les vicinaux conduisant aux villages voisins.
D’après une très sérieuse transmission orale : les habitants, dans les temps anciens ont toujours rencontré le même problème pour se rendre aux moulins à cause de l’étroitesse de la rue du Moulin. Celle-ci partait comme aujourd’hui de la place. A l’endroit de l’intersection avec la descente de la rue des Trois chats et le début de la rue des Cannes, la rue du Moulin se rétrécissait considérablement car toutes les maisons à main droite avaient leur porte et surtout des escaliers qui descendaient carrément dans la rue. Emprunter la rue des Cannes et la suivre jusqu’à son aboutissement face au déversoir et aux dits moulins, était inutile. En effet, celle-ci était alors un petit chemin de campagne et le trajet était deux fois plus long. Donc la rue du moulin a été élargie par la suppression des escaliers et beaucoup plus tard dotée d’étroits trottoirs.
En fin de parcours, la ruelle Malingant nous conduit rue de l’église à côté du local du corbillard. La porte d’entrée du moulin dépassée, une autre ruelle en montée aboutit à la grille en bas du vieux cimetière. Compte tenu de sa situation, le mur de soutènement de l’église a dû être érigé dès l’origine de l’église et a imposé surveillance et entretien. Aucune preuve écrite mais un témoignage oral.
Une phrase dans une discussion du Conseil municipal à propos de la reconstruction du pont en octobre 1882 interpelle et c’est la suivante: « d’ailleurs le mur de soutènement à faire dans la traversée du village, prix 1161 frs, travaux projetés depuis des années ne sauraient être différés plus longtemps. Le mur est dit « à faire » et non à consolider ou restaurer…mais le verbe faire est si souvent utilisé en lieu et place de ses synonymes. La maison de Réjane a été érigée en 1793 et le soutènement se trouvait en place depuis longtemps. L’élargissement de la rue du moulin est signalé encore une fois mais il s’agissait de la destruction d’une petite maison située à l’entrée de la rue quasi sur la place.
Le bois abonde dans la région et nous savons déjà qu’il est la source principale de revenus de la commune et géré attentivement. Le martelage ou balivage des arbres à abattre ou à conserver dans la coupe est effectué avec sérieux. A cela s’ajoute le récolement (vérification contradictoire des clauses imposées après l’exploitation de la coupe d’après le droit forestier de 1690). Ce fut sous le règne autoritaire de Philippe le Bel (règne de1285 à 1314) que pour la première fois, une réglementation des bois fut établie, ils ne devaient être coupés que pour les charpentes et le chauffage. Les troupeaux très nombreux y paissent et certains de ces grands espaces seront donnés aux religieux.
* Les coupes seront au cœur de bien des réunions du conseil et pour longtemps. En ces jours de 1830, la liste des prenants des affouages est de 134 dont 6 portions délivrées gratuitement. La rente comprend la location d’un pré communal et une distribution de futaie. La cotisation au rôle d’affouage n’augmente pas cette année.
* Les communes de Plaines et Mussy possèdent des bois en commun et l’ancien aménagement est sur le point de changer : 30 hectares du bois d’Arvaux devraient se substituer à la coupe affouagère proposée précédemment qui, elle, entrerait dans la nouvelle réserve. Attendre l’accord du Ministre des finances.
Ainsi le 12 mai 1830, l’arpenteur forestier chargé du nouvel aménagement des bois décide le redressement des vicinaux traversant et porte leur largeur à 10 mètres, notamment celui de Molesme qui sera souvent l’objet de travaux, celui relie Mussy aux Riceys est encore étroit et tortueux. L’utilité de ces petites routes est indéniable, compte tenu de la variété et du nombre des échanges intercommunaux.
Comment se présentent alors les populations ?
La révolution a été celle de la misère dans le contexte d’une grande crise économique. Le secteur agricole était encore le plus important dans la France de cette époque. Les historiens, dans leurs recherches, ont été attentifs à tous les détails de la vie des anciens et notamment à la montée des prix des denrées à laquelle n’ont pas pu faire face les manouvriers, la population des petites gens en campagne (comme en milieu urbain où on trouve une multiplicité de statuts). Les prix agricoles (blé, seigle) et viticoles avaient baissé, les fermiers, les viticulteurs et leurs journaliers furent durement frappés, d’autant plus que dans le même temps, les propriétaires augmentaient les droits de fermage. La maison d’école, on la nomme ainsi à cette époque, est située sur la place et pose un sérieux problème qui s’ajoute à celui de la reconstruction du pont.
Le Conseil délibère en vue de l’achat d’une maison qui conviendrait à la tenue de la classe et au logement de l’instituteur, car pour le moment les deux sont en des lieux différents, de plus la classe est constituée d’un local très réduit qui ne comporte qu’une petite chambre (dans les registres, ce mot est systématiquement utilisé pour désigner une pièce) avec une seule fenêtre, donc peu de clarté, et où on ne peut plus laisser enseigner. L’opportunité se présente d’acheter une maison avec une grange attenante, l’ensemble situé lui aussi sur la place. Le projet est mené à bien et la dépense s’élève à 831 francs. Le problème de l’école va-t-il se régler ?
La nécessité de lutter contre l’illettrisme s’est imposée au moins dans certains esprits, il faut construire des écoles et former un corps enseignant, le 19ème siècle sera celui de la formation des maîtres en vue de l’alphabétisation. Les lois de Jules Ferry imposent l’obligation scolaire avec sa gratuité et des efforts sur tout le territoire. La langue cessera d’appartenir à la sphère privée et les patois combattus avec un certain acharnement et longs à vaincre. La scolarisation, si indispensable pour tous, fut répressive et souvent cruelle pour des enfants majoritairement patoisants (ici coiffés du bonnet d’âne, là porteurs d’un sabot de bois maintenu par une ficelle autour du cou, ils devaient ainsi honteux rentrer à la maison, punis pour avoir en classe parlé en patois). Ils durent douloureusement bannir de leur bouche, les vocables merveilleux créés par l’imaginaire de leurs ancêtres, vocables qui caractérisaient la langue maternelle porteuse de leur identité. Ils furent d’autant plus en difficulté qu’en cette époque où 70 à 80% des habitants vivaient de la terre, les mères la travaillaient, les grands-mères s’occupaient des enfants à la maison en ne sachant parler qu’en patois.
* Le 14 Juin 1830, le Roi Charles X publie une Ordonnance se rapportant à l’instruction, suivie d’une convocation de tous les Conseils municipaux par l’intermédiaire des Préfets. Cette Ordonnance concerne toute l’étendue du royaume. Cependant la gratuité de l’école n’est pas alors envisagée. Ce sont donc les parents et la commune qui continueront à assumer les dépenses scolaires. Cette Ordonnance présente des exigences :
- donner les moyens de pourvoir à l’établissement et à l’entretien de l’école primaire,
- que soit fixé à l’instituteur, le droit de rétribution mensuelle qu’il doit recevoir des élèves payants,
- un autre traitement mensuel fixé conformément au n°2 de l’article 6 de ladite ordonnance inclut la liste d’au moins 12 enfants qui recevront l’instruction gratuite (après que le Conseil municipal en ait reconnu l’indigence).
L’école de Plaines sera divisée en 3 sections de prix correspondant aux 3 sections de « Sciences ».La 1ère (la supérieure) rétribution de 60 centimes par élève, la 2ème (la moyenne) 40 centimes, la 3ème (l’inférieure) 30 centimes par élève et par mois (tarifs indiqués par l’Ordonnance). Le traitement fixe de l’instituteur, décidé pour cinq années consécutives à partir de l’exercice prochain est de 150 frs par mois.
Une école fonctionnait déjà à Plaines, depuis quand ? Nous l’ignorons mais il en est question dès le premier registre. L’école primaire était payée par les parents. Après l’enseignement reçu au village, certains enfants pouvaient fréquenter les collèges qui dépendaient du secteur privé géré par les religieux, principalement par l’ordre des Jésuites et des Oratoriens. Les filles étaient accueillies dans des écoles privées tenues par des congréganistes.
La démocratisation de l’enseignement et bien sûr le changement des mentalités nous rend difficile la compréhension du bref extrait de la vie d’un simple, livre du périgourdin Emile Guillaumin, dans lequel est décrite la vie paysanne d’un laboureur (né en 1823 il ne possède pas la terre qu’il travaille, ne sait pas lire, c’est un métayer sérieux, infatigable et obéissant qui survit avec difficultés dans l’une des six métairies dirigées de façon despotique) :
Le propriétaire visite ses terres et ses métayers à cheval. Le métayer du récit vient d’entendre parler de l’école et des quelques places gratuites dont peuvent bénéficier les pauvres, il se permet d’en demander une au propriétaire pour son fils aîné.
- « Monsieur, il lui faudrait à présent quelques années d’école. » Celui-ci tira coup sur coup trois bouffées de sa grande pipe en écume de mer et répondit enfin : « L’école, l’école … Et pourquoi faire sacrebleu ? Ça ne t’empêche pas de manger du pain. Mets donc ton gamin de bonne heure au travail; il s’en portera mieux et toi aussi ! »
- « Pourtant monsieur, il y a des fois que ça rendrait bien service de savoir un peu lire, écrire et compter. Pour qu’il soit moins bête que moi, je tâcherais de me priver de lui encore quelques années au moins pendant l’hiver. »
- « Dis-moi un peu ce que tu aurais de plus à savoir lire, écrire et compter ? L’instruction c’est bon pour ceux qui ont du temps à perdre. Mais toi tu passes bien tes journées sans lire, n’est-ce pas ? Tes enfants feront de même, voilà tout… » /…/ « Une place gratuite ! » / …/
Monsieur F. bourrait sa pipe avec rage « craignant de le mécontenter en insistant, je m’en tins à cette unique tentative. Et mes enfants n’allèrent pas en classe. »
Le système profondément élitiste maintenait les familles les plus aisées dans les postes élevés. La gratuité et l’obligation de l’instruction n’étant pas envisagée, la société d’alors par contre coup s’est sûrement privée d’un potentiel d’intelligences. Les réunions du Conseil municipal sont relatées avec une graphie très lisible voire belle et dans l’ensemble avec de rares erreurs d’orthographe. Les croix en guise de signature sont celles des employés de la commune : agents voyers et bergers.
Lecture faite de l’Ordonnance du Roi, le Conseil municipal maintient son attitude progressiste car il décide d’appliquer le tarif des 3 classes à 50, 40, 25 francs, au lieu de : 60, 40 et 30. L’instituteur recevait déjà un traitement de 250 francs, annuellement assis au budget, il continuera à les percevoir, il instruira en outre gratuitement les six enfants indigents (ils apparaissent sous ce vocable les années précédentes), au lieu des 12 souhaités.
* Un expert est nommé pour les travaux d’aménagement en école de la maison acquise, il faut faire la plus grande économie possible en utilisant les matériaux tirés du territoire, la somme de 6.217 francs est attribuée. On réparera une vinée en masure qui appartient à la Maison commune, elle aussi sise sur la place. La commune possède le bois nécessaire, il est dit qu’elle ne paiera qu’une partie de la main d’œuvre et qu’il faudra seulement acheter de la lave et de la chanlatte.
* Un coup d’œil à la grande histoire : durant des années le mécontentement a grandi. L’Ordonnance du Roi concernant l’école aura sans doute été une de ses dernières, nous sommes en juillet et les journées révolutionnaires de l’an 1830 surviennent, chassent Charles X de Bourbon au profit de la famille d’Orléans.
* C’est le règne de Louis Philippe appelé aussi le Roi bourgeois. Il va diriger la France de cet été 1830 à 1848. Monarchie marquée par l’Entente Cordiale avec les Anglais et par le début de l’ère industrielle qui va transformer, révolutionner Plaines (et non seulement). Un essor économique dont profitera surtout la grande bourgeoisie, essor à l’origine aussi de progrès et d’importantes transformations sociales. Plaines est alors une commune rurale avec des biens mobiliers et de terres cultivées par des métayers, des manouvriers. Un seul nom de propriétaire est cité à trois reprises, celui d’une personne qui n’habite pas le village.
Nous avons la certitude de la présence de troupeaux de vaches et de moutons, grâce aux contrats établis en mairie pour les bergers.
Les chevaux, les ânes et les mulets servent à toutes sortes de travaux dans les champs, les vignes, lors des journées de prestations qui étaient obligatoires et pour lesquelles les habitants recevaient une petite rétribution pour eux-mêmes, une pour leur animal de trait engagé et une pour la charrette fournie. Nous aurons l’occasion de reparler des prestations.
A Plaines, la terre est cultivée en polyculture : fourrages, légumes, céréales, plantes oléagineuses. En grand nombre, les cultivateurs portent leurs grains à moudre à la sortie du village. Les deux bâtisses du moulin occupent toute la largeur de la rivière divisée en deux parties par une pile de pierre, sur la rive droite tourne le moulin à huile, sur la rive gauche celui à blé.
* Les vicinaux en direction de Mussy, des Riceys sont proches et leur viabilité, l’objet d’amélioration constante.
* Bien sûr, la vigne couvre les alentours du village et la butte de Faucillière en particulier, les vignes de la côte sont connues, ce sont celles qui croissent alors en surplomb de la route royale, sur le versant face au village. La plus ancienne photo que nous ayons de l’église et du cimetière nous montre des rangs de ceps sur la terre du nouveau cimetière, la vigne occupait également tous les coteaux jusqu’aux Crats (transmission orale et vieux ceps retrouvés dans les bois qui couvrent désormais les terrains). La vigne est souvent évoquée : à propos d’intempéries, de piquets, de liens, de publication des bans de vendange, de grappillage, de surveillance des raisins mûrissant, des marchands qui viennent goûter et acheter les vins.
* Les terres labourables sont réparties en 5 classes et mesurées en arpents, l’arpenteur utilise une chaîne qui mesure 100 mètres et chaque arpent est égal à 100 cordels (le vocable are = 100 mètres carrés est apparu en 1795, souvenons-nous que le système métrique a été institué en 1789). Les friches sont une catégorie, les prés et les jardins et les bois ont 2 catégories, les vignes en ont 4. On pratique alors l’assolement : les terres sont ensemencées 2 ans sur 3. La 3ème année, elles sont laissées en jachère la période de repos.
Dans les registres, on ne parle d’aucune culture si ce n’est celle de la vigne. Par exemple, le chanvre était cultivé dans toutes les campagnes à Plaines également. Certains villages avaient des chènevières communes. L’a-t-on battu sur Chapier ? Car « Chapier » est dialectal. Il faut prendre en compte le vocable Chape(l)lier écrit avec double « L » sur la plaque de la rue ainsi que sur le plan cadastral m’a-t-on dit. Les mots à considérer sont : chapelle et son chapelain (qui est un prêtre) et chapelier ou chapelière qui sont des fabricants ou des vendeurs de chapeaux ou les 2 en même temps. Chapellier avec 2 L est fautif, il n’existe pas. Simple histoire de phonétique. Sur un acte notarié de la fin du XIXème, Chapelier était libellé correctement. Mais Chapelier a-t-il pu se transformer en Chapier ? ou bien les deux lieux étaient-ils voisins ?
Le chanvre demandait pas mal de fumure, était récolté à partir d’août et donnait lieu à plusieurs opérations (cueillette, séchage en bottes, bottes mises à rouir puis teillées au maillet (tiller ou teiller, ALB, II, carte 769). Les fibres obtenues étaient triées et peignées à la veillée on cassait les chenevottes, séparait les filaments qu’il fallait marteler pour les assouplir et mettre en étoupe. Certaines fibres donnaient des toiles à sac, d’autres fines, plus longues, étaient filées par les femmes (elles obtenaient sur leur fuseau ce qu’on appelait la poupée) mais en général les divers fils étaient confiés au tisserand, le feurteux (ALCB II 696 et ALB II 7698) au printemps débarrassait l’étoupon de ses impuretés et cardait la filasse, il tissait les toiles sur un métier, cet artisan était payé en fil. Son travail était particulièrement malsain car les fibres ne pouvaient se travailler que dans une atmosphère très humide, souvent en sous-sol. Trois sortes de fibres étaient obtenues : fines et douces, étoupe pour les draps et le bourras pour les sacs à grains ou à patates.
* Au mois d’avril, après les gelées, le mur du cimetière s’est effondré sur une longueur de 6 toises (toise vient du latin médiéval, c’est une étendue égale à 6 pieds c’est-à-dire presque 2 mètres) et une hauteur de 5 toises soit « 30 toises de maçonnerie à effectuer. » Les terres exhaussées tombent dans la propriété autrui. Mise en adjudication 240 francs pour le travail à effectuer avec une garantie de 10 ans. Des réparations sont demandées par M. le Curé pour l’église et le presbytère. Jean Hutinet, charpentier à Plaines, s’en occupera mais le problème du pont à reconstruire empêche tout engagement pour cette dépense.
* Le géomètre du finage des communes du canton écrit au sous-préfet que « Mussy est assez incommode pour les autres communes et Gyé avec sa forte population conviendrait comme chef-lieu ». Le Conseil municipal de Plaines donne une réponse courtoise : « considère que Mussy a toujours réuni le titre de ville par sa population au-dessus de toutes les autres du canton, a été longtemps le baillage, le grenier à sel (gabelle), qu’elle a une Maison de ville, deux Maisons d’instruction, un hospice, une caserne qui sont son ornement ». Cette copie d’une critique de l’attitude de Mussy vis-à-vis des autres communes du canton met la puce à l’oreille car la plupart des vieux plainois ont reçu en héritage oral, un sentiment de défiance envers l’alors puissante et orgueilleuse voisine.
* Septembre 1831 : 4 nouveaux gardes nationaux ont prêté serment de fidélité à la charte constitutionnelle de 1830 et aux lois du royaume. Un arrêté est publié : liste des électeurs communaux pour la première partie avec 56 électeurs censitaires, tous des hommes de plus de 24 ans soumis à l’impôt. On reparle du pont où ne peuvent plus passer les voitures. En novembre, choix de la coupe d’affouage pour l’ordinaire de 1832 (attendu que la commune de Mussy est indivise, 1/8ème à la charge de Plaines, géomètre, forestier et entrepreneur), aux conditions que Garnier remplira tous les engagements tel de ne point souffrir, qu’aucun étranger ne vienne charger du bois dans la coupe sans être accompagné de l’affouagette.
* 1832, une grande épidémie de choléra frappe toute l’Europe, elle arrive en France fin mars, début juin à Plaines où elle sévit durant environ 2 semaines et fait 52 morts sur 550 habitants, le médecin de Mussy se dévoue le plus possible, c’est une pharmacie de Bar qui fournit les médicaments. La commune prend les dépenses en charge pour tous, le médecin ne réclama que 130 francs, on lui en donna 176.
* Le 30 septembre, le garde champêtre est désigné pour veiller au respect des dates du ban des vendanges (le ban existe depuis des siècles et son respect a toujours été surveillé) et celle du grappillage (la communauté choisissait les membres d’une commission qui annonçait le jour où pouvait commencer la vendange). Le Syndic, nommé : Maire en 1790, annonçait publiquement le jour choisi. Une semaine avant cette date, un seul jour accordé aux vignerons leur permettait de faire l’avant-vin. Les gardes veillaient au respect des règles.
* Fin 1832, il est décidé de prendre un architecte pour le pont, on ne peut plus différer sa reconstruction, l’actuel s’écroule. Le montant du devis s’élève à 25.194 francs. Les ressources réunies se montent à 9.000 frs, elles seront obtenues par la vente d’une portion de la commune et celle du produit d’un coupon de réserve : plus 50 hectares dont la vente est autorisée par ordonnance royale et devrait rapporter 3.000 francs. On peut considérer certaine la vente de 100 autres hectares, au moins aussi âgés que le coupon déjà autorisé.
* En février 1833, par sa démission, nous apprenons la présence d’un pâtre pour le gros bétail de la commune, il est substitué et selon le code forestier, les émoluments et les obligations sont communiqués au nouveau venu. Le trois du mois, Nicolas Vaillant se présente au Conseil municipal : ci- devant pâtre à Brienne le Château, désire prendre la place laissée libre par M. Sonnois qui ne continue plus sa profession. Pour éviter toute difficulté de part et d’autre, la garde devra être exécutée comme il va être dit ci-après :
– Art. 1 : Que toutes les bêtes à cornes seront envoyées « sous la main » du pâtre à l’exception de celles qui seraient reconnues être de trait, la rétribution mensuelle sera indistinctement payée par ceux à qui elles appartiennent, sans aucune retenue pour cause d’intempéries en saison trop rigoureuse, tout le cours de chaque année.
– Art. 2 : Que la rétribution mensuelle par chaque tête de bête est et demeure fixée à 25 centimes, y compris du pain tous les dimanches, la veille des Rois et le lendemain de Carnaval.
– Art. 3 : Dans la saison d’hiver, il « lâchera » (ALB. II, carte 1058. Laisser paître, laisser partir ou sortir à 9 heures du matin et celle d’été à 6 heures et demie, d’où il rentrera après le soleil couché.
– Art. 4 : Toutes les bêtes lâchées sous le bâton du pâtre demeureront sous la responsabilité de ce dernier pour les délits qui pourraient être connus pendant le temps où les bêtes seront sous la garde du pâtre à la réserve expresse de la dent du loup ou d‘une maladie accidentelle. Présence de loups dans la région à la fin du 19ème.
– Art .5 : Il sera fourni une caution valable ou garantie suffisante pour l’assurance de la responsabilité.
– Art .6 : Il sera fourni par le pâtre, un bœuf taureau pour le saut, lequel lui sera payé à raison de 50 centimes selon l’ancienne coutume y compris les bénéfices qui ont été conservés à cet égard.
– Art. 7 : A l’expiration de deux mois de garde non payés, le Conseil municipal interviendra pour contraindre les retardataires.
– Art .8 : Le bail sera à partir du premier janvier, de 3, 6 ou 9 années au choix du pâtre ou du Conseil, avec préavis de trois mois à donner aux familles en cas de départ.
– Art. 9 : Le pâtre aura la facilité de faire pâture dans tous les bois communaux indivis avec Mussy.
La garantie : acte notarié de Maître Méligne de Troyes le 12.04.1827 sur les bâtiments et terres labourables du pâtre possédées par lui à Bailly les Chauffours et payées par lui 300 francs.
Lecture donnée, réitérée, le pâtre a fait un astérisque en forme de croix comme ne sachant signer et attester les dispositions. Signatures : 7 conseillers, le maire, l’adjoint et le pâtre. Le pâtre est une personne importante au village, sa caution représente une certaine valeur marchande. C’est une garantie pour la bonne tenue du troupeau confié, enfin le taureau reproducteur lui appartient (il doit le fournir).
* En mai, une délibération est prise avec le Conseil de Mussy : 3000 pieds d’arbres en Arvaux (propriété des deux communes) ont été plantés au lieu des 2000 commandés avec une essence contraire au terrain, les arbres dépérissent ou menacent péril, l’administration forestière demande le remplacement. Procès-verbal avec nombre d’arbres, nature etc.
* En novembre, les frais de terrassement du pont portés au devis s’élèvent à 1.979 francs, le Conseil prend l’engagement de faire exécuter ce terrassement par les habitants, le total de l’argent disponible s’élève à 19.979 frs, le montant nécessaire s’élève à 25.194 frs.
* La somme manquante, 5. 215 frs, est très élevée, on ne sait plus quoi envisager : espérer une petite baisse au moment de l’adjudication ? Faire en abondance une coupe des affouages et recourir à une imposition extraordinaire ? Le maire communique qu’après la conférence de la veille avec l’architecte Nicas et le Préfet et compte tenu du peu de ressources, il a été dit qu’il serait convenable :
1° de faire un pont de bois posé sur des piliers biens fondés en pierre de taille,
2° de Modifier la direction de la rivière en amont pour la redresser en aval au moyen que la commune ferait d’une section de terrain appartenant à M. X. Le Conseil autorise le Maire, le devis sera refait avec piles en pierre d’Ampilly ou Cerilly (Côte d’Or).
Le 18 janvier 1834, le pont est déclaré complètement tombé. La commune n’a toujours pas assez d’argent et le préfet craint de ne pouvoir trouver un entrepreneur à ce prix. Le Conseil autorise le Maire à faire un emprunt qui n’aura lieu qu’au moment de la réception des travaux.
* Le 2 mai, les prestations des habitants sont ainsi fixées pour accomplir le terrassement : chaque journée d’homme payée 2 francs, cheval et voiture 3 francs + 1 franc. Les travaux seront exécutés sous la direction d’un chef de chantier nommé à cet effet et salarié. Les journaliers se rendront sur le chantier à 5 heures du matin, sortie à 11 heures, reprise à deux heures du soir et fin à 7 heures et demie.
Autorisation adressée au Préfet. 20 signatures. La commune à ses frais doit fournir une vis d’Archimède et un chapelet pour le puisement des eaux de fondations où doivent être assises les culées (demande du paiement des frais au Préfet).
* Discussions à propos des pierres des piles, faut-il faire un tablier de pierre ou de bois ? Refaire un autre tracé car celui-ci ne comporte que 2 arches ?
* Le 20 juillet 1834, Conseil extraordinaire. Le Conseil fait observer qu’à la fondation en béton pourrait être substituée de la grosse pierre de carrière de sous rivière pour asseoir la fondation par la roche, ce moyen serait moins dispendieux, occasionnerait une économie qui servirait à mettre un tablier de pierre plutôt que de bois.
Au village, le passage accaparé par le Sieur D. doit être restitué, d’ancienne date il a toujours été communal et permet de faire communiquer la rue Marguet à celle qui conduit à la rivière.
En ce qui touche la masse des communaux indivis, le Conseil demande la division desdits bois en fonction du nombre des habitants. Division demandée par les 2 communes à commencer par la coupe du Goulot (limite de Courteron) jusqu’à Champ Cadot compris le petit bois d’Arvaux, le tout situé à l’est des 2 communes et celui de Plaines au midi depuis la dernière coupe de Champ Cadot jusqu’à celle dite de Grand Tête. Que la division soit faite au moyen de la population des deux communes.
* Le 1er octobre 1834. Les habitants qui ont travaillé au pont sont déjà bien fatigués et ont épuisé toutes les prestations en nature, on doit envisager d’appeler une entreprise de déblaiement car il reste 3500 mètres cubes de terre à enlever (emplacement du nouveau lit de la rivière au niveau des cités). A raison de 50 centimes le mètre cube, la dépense serait de 1750 francs, il ne faut pas payer plus de 50 centimes le m3, mais malheureusement le 14 octobre à ce prix personne ne veut accomplir le travail. Il convient de fixer le prix à 60 centimes.
* Avril 1835. Il semblerait qu’une usine ait été créée et installée à Plaines cette année-là. La construction des bâtiments de l’usine s’est faite sans que le conseil municipal ait écrit une ligne sur l’événement.
Il est question de consolidation du vieux pont (qui est déclaré tombé, comprendre prêt à tomber).
_ Lettre au Préfet pour l’informer qu’en cette saison du 13 présent, les travaux agricoles retiennent les habitans et qu’on ne pourrait pas, sans le pont, rentrer les portions d’affouages, qu’on empêcherait les acquéreurs de vin d’acheter dans notre commune, ce qui causerait un tort considérable à tous les habitans.
Clairement apparaît ici l’importance de la vigne dans la vie économique du village, pas un mot cependant au sujet du droit de gourmétage qui normalement devait s’exercer. Supprimée à la révolution, l’application a dû être immédiate (le propriétaire de ce droit conduisait les acheteurs dans les caves pour leur faire goûter les vins, conditions strictes à respecter. Le gain obtenu était un revenu communal).
Cependant, tous espèrent qu’en septembre prochain le pont sera démoli. Au mois de mai, il faudra d’urgence faire rentrer à la commune les embaissures (terrains au bord de la rivière constitués à la faveur des courbes non loin du pont en allant sur Coutien, il y avait la petite et la grande embaissure). Une digue est construite, elle avance de 2 mètres sur le terrain Gourdon, la commune en restituera la jouissance, prendra en charge l’alluvion s’il s’en forme une.
* Un arrêté est pris à propos des pâturages : le garde trouve nécessaire de déterminer les lieux et contrées du finage où l’on ne pourrait en aucun temps aller pâturer autrement que par la longe attendu que les chemins sont si peu larges et les terrains emblavés constamment. Le Conseil décide et fixe : qu’aucune espèce de bétail ne pourra pâturer dans les deux sections A et B du territoire c’est-à-dire depuis « le Champon larne » jusqu’à la rivière et toutes les propriétés en deçà de la rivière jusqu’au chemin de la Loire qui correspond directement aux « Cras », le tout depuis la sortie du village jusqu’au hameau de Val Léon et dans la section G C contrée de « Fouchères », attendu que les chemins sont étroits et que le passage ne pourrait se faire sans grands dégâts, sauf avec un gardien et une longe pour garantir le respect autrui. Interdiction même à la corde sur toute espèce de plantation et d’embaissure sur la rivière.
Le nouvel instituteur, le Sieur Guinot Jean Pierre, vu les pièces à l’appui (brevet du 2ème degré du 23oct.1823 et certificat de moralité du 3 mai courant) a été nommé après avoir été présenté au comité d’arrondissement, son traitement mensuel est de 300 francs (il faut assurer à l’instituteur une existence honorable. C’est une phrase qui réapparaît régulièrement, sur les registres quand il s’agit de l’instituteur). Le tarif imposé aux parents d’élèves reste stable.
Ce même mois d’octobre, le Conseil décide de prendre un Avoué pour régler le vieux litige toujours pendant du huitième des bois entre Mussy et Plaines. Le Maire propose au Conseil de faire retrouver tous les anciens passages empruntés par les bestiaux pour aller pâturer et de faire rentrer à la commune, les propriétés défrichées sur la Montagne allant à Ricey et défendre qu’à l’avenir aucun défrichement n’ait lieu car cela cause un tort considérable à la pâture. Les anciens passages seront remis à la commune et les terres défrichées lui seront rendues par ceux qui s’en sont abusivement emparés, la terre enlevée remise en place.
Ce vocable de montagne nous le rencontrons assez souvent au cours des lectures sur le châtillonnais et notre coin de vallée, cet extrême sud de l’aube, légèrement vallonné, ses maisons à grands portails construites en pierres du pays ces villages si ressemblants de Châtillon à Buxeuil compris. Le triangle bourguignon formé par un tracé qui joint Sens à Vendeuvre, Vendeuvre à Baigneux les Juifs et Baigneux les Juifs à Sens était la « montagne ».
* Le 19 juillet 1835, le pont est démoli et le procès-verbal de construction est soumis au Conseil (travaux primitifs, supplétifs etc). Le reste dû est de 11.120,55 frs. Pour le terrassement, c’est le Maire qui a prêté la somme de 2.860 francs.
Nouvelle demande du Conseil qui voudrait que soit faite distraction du 1/8ème appartenant à la commune dans le dernier coupon du 2ème tiers de la réserve de Mussy-Plaines, environ 100 ha. Pour ce 8ème vendu en une seule année pour l’exercice 1836, le Conseil sollicite la vente pendant 3 ans, à partir de 1835 de son 1/8ème dans la coupe affouagère avec Mussy.
Il est urgent de procéder à la vente des vieux bois qui proviennent du pont démoli, avec l’autorisation du préfet aura lieu une adjudication publique, il faut détailler les lots et mettre promptement l’argent à la caisse du receveur municipal, estimation =177 francs pour les douze lots.
* Janvier 1837 : Aux exténuantes prestations exécutées par les habitants, s’ajoutent l’avance des affouages et une cotisation extraordinaire, sacrifices exprimés au Conseil comme suit : la vente en 1835 de trois années de l’affouage, qui est ordinairement distribué aux habitants chaque année, met ces derniers en difficulté, déjà 2 années sont révolues, ils sont réduits à une privation de bois pour l’indispensable besoin qu’ils ont tant pour se chauffer que pour les échalas nécessaires à l’entretien de leurs vignes. Ainsi il serait urgent que la coupe d’affouage soit délivrée à tous les habitans sauf à ceux-ci d’acquitter une somme au-dessus de la cotisation ordinaire des charges qui équivaudrait approximativement au prenant part une taxe de 15 francs, les prenants part sont 155 soit la somme de plus de 2300 francs équivalente au prix annuel ; les portions non achetées seraient réunies en la forme des deux premières années.
Dans ces années, la vie est compliquée pour tous, la commune est obérée d’une somme de 15.000 francs pour le pont, les recettes suffisent déjà à peine pour les dépenses ordinaires dont voici une liste qui est loin d’être exhaustive :
Bois, lumière, encre, papier et cetera pour la mairie. Traitement du secrétaire greffier. Salaire du tambour. Abonnement au bulletin des lois. Frais de registre de l’état civil. Contribution foncière des bois communaux. Salaire des gardes. Frais de lotissement des affouages. Contribution supplémentaire des bois communaux. Frais de confection de répartition des charges des bois. Dépenses imprévues des affouages. Traitement du receveur municipal. Timbres des comptes et du livre de recettes et dépenses. Frais de matrices générales pour 3 années. Salaire du garde champêtre. Visite des fours et cheminées. Traitement de l’instituteur. Dépenses du comité d’arrondissement. Supplément du traitement du Desservant. Indemnité de logement du Desservant. Réparation des armes et des caisses. Dépenses imprévues. Soit environ 1600 francs.
Les recettes consistaient en centimes additionnels à la contribution foncière et mobilière. Rétribution sur les amendes de la police rurale. Biens ruraux (prix de ferme ou fermage). Rentes provenant de la session de biens communaux. Intérêts de fonds placés à la caisse de service. Location de la carrière Notre Dame. Location du jeu de quilles. Cotisation pour les charges de bois communaux. Location de la chasse dans les bois. Rôle de garde champêtre. Indemnité des amodiateurs du pré. Défaut de plantation d’arbres. Imposition extraordinaire pour insuffisance de revenus. Le tarif imposé aux parents d’élèves reste stable.
* Nous sommes en 1837 : L’Etat et le département, pour compléter les dépenses ordinaires obligatoires de l’école, attribuent une subvention de 104 francs. Le Maire est autorisé à acheter une table de classe, celle-ci est vendue par Gyé et mesure 12 mètres son prix n’excèdera pas 30 francs. Les leçons ont donc lieu autour d’une grande table commune, la classe est chauffée par un grand poêle alimenté avec les bûches que les écoliers apportent chaque jour. Nous pouvons supposer que lors des jours particulièrement froids ou neigeux les enfants venaient en classe, comme nous l’avons fait en notre temps, avec leurs chaussons pour pouvoir quitter les galoches trempées, mettre leurs pieds au chaud durant les leçons. Sans électricité, l’éclairage est assumé par la commune, sans doute avec des lampes à pétrole suspendues, suspensions qui mettaient à l’abri d’un heurt et du feu et qui existaient dans les lieux publics (auberges, cafés, commerces).
* Ce 3 août 1837, la présence d’une usine métallurgique est confirmée dans les registres par le biais d’une plainte concernant la distribution postale ainsi exprimée : le service rural de distribution des lettres n’est toujours pas satisfaisant, il s’opère tous les jours, mais le matin du 2ème ou 3ème jour de leur arrivée ! Les étrangers qui attendent des nouvelles de leur famille et l’administration de l’usine qui a beaucoup de courrier se plaignent.
* La métallurgie est très ancienne, elle remonte au Ier âge du fer, le minerai se présentait à la surface des terres en filons. Les Gallo-romains l’exploitèrent abondamment notamment dans notre région.
* Au Moyen-âge, une première forme de mécanisation intervient pour les opérations de soufflage des foyers et du martelage. Le minerai est lavé puis traité en bas fourneau, le minerai de fer est ainsi réduit en fonte, celle-ci transformée en fer doux dans une forge.
* Au XVème, le haut fourneau apparaît, il est plus productif, il demande l’usage de la force hydraulique et le bois pour le combustible, la proximité d’un cours d’eau et de la forêt est indispensable.
Les forges ont d’abord été possédées par les Ordres privilégiés, puis louées et exploitées par les Maîtres de forges. A la révolution, étant biens du clergé, elles furent vendues.
* A l’époque de la Restauration, c’est-à-dire à la fin de l’Empire napoléonien, le minerai est exploité à faible profondeur (environ 20 mètres). A la sorti,e il est lavé le long de la Seine, puis traité en fourneaux où il devient fonte.
Marmont, Maréchal d’Empire devenu Duc de Raguse par la grâce de Napoléon Ier, possédait alors deux forges : une à Chatillon-sur-Seine, sa ville natale, et une à Ste Colombe.
* En 1822, Marmont avec l’aide de Sir Samuel Farmes, industriel anglais, fait construire une forge à l’anglaise à Sainte Colombe et une à Plaines au moulin à farine. De nouveaux procédés viennent d’arriver d’Angleterre, ils font appel au charbon au lieu du bois et le châtillonnais est le premier à utiliser la houille comme combustible.
* Les habitants durent trouver un meunier dans une commune voisine. En 1827, l’huilerie du moulin a failli elle aussi être remplacée par un laminoir et une fonderie avec martinet, un projet de M. Millot, propriétaire du moulin, qui ne fut pas alors réalisé.
* Mais le 25 février 1830, une liquidation judiciaire intervient (le Maréchal Marmont en juillet 1830 était à la tête des troupes royales contre les révolutionnaires, il accompagna le roi Charles X à Cherbourg, il dut ensuite s’exiler à Vienne. Marmont fut un pionner ruiné, il mourra à Venise en 1852).
* Dès 1833, Farmes, se retrouvant seul, revend donc ses usines à la société Bazille Louis Maître et Cie, ensuite Bouqueret-Couvreux-Landel. C’est en novembre 1845 que seront fondées les Forges de Châtillon-Commentry.
* En août 1837, achèvement des bâtiments industriels, l’activité commence avec les Maîtres de Forges sus-nommés. Pour les ouvriers, des maisons ont été bâties, alignées sur deux rangées entre route royale et rue de l‘Isle, séparées par des jardins : quatre pièces pour chaque maison en pierre du pays, divisée en deux logis de deux pièces coupées par une cloison de laves, cave et grenier. Ces maisons sont au nombre de sept pour la rangée proche de la Seine dont elles suivent la courbe, et 9 sur la rangée qui longe la route royale Dijon-Troyes, le couvent et la clôture de ses dépendances joignent parfaitement les deux rangées des logis entre lesquels sont répartis les jardins. L’année de construction de ces maisons, surnommées cités, est lisible car la légère courbe suivie par la rangée du bas représente le tracé de l’ancien lit de la rivière déplacé au moment de la reconstruction du pont.
Terrassement en 1834. Les habitants soumis aux prestations étaient épuisés et il fallut payer une entreprise pour terminer ce travail : 3500m3 de terre à enlever pour le nouveau lit afin d’éviter une arrivée brutale de la rivière contre les piles du pont.
La forge emploie alors 36 tréfileurs et 22 lamineurs, payés 4 à 5 francs par jour, 26 autres personnes gagnent 3 frs par jour. Travail jour et nuit avec 3 jours chômés tous les 15 jours.
Le minerai de fer arrive d’Etrochey et Cerilly (Côte d’Or).
* Le Conseil demande une ordonnance de 15 francs pour la fête des journées de juillet réduite en un seul jour : un jeu et un bal gratis à la mesure de l’événement et des victimes qui ont succombé les 27, 28 et 29 juillet 1830. Tous signent, la somme sera prise sur les fonds libres.
* En mars, le Conseil demande la réamodiation (location) de la chasse dans les bois de Mussy-Plaines et de la carrière Notre-Dame (l’amodiation est une location, c’est le terme constamment utilisé dans les registres). Le Conseil fait remarquer que 6 carrières se trouvent sur le territoire de la commune et en les amodiant, on en tirerait un revenu annuel, la commune pourrait en conserver une ou plusieurs pour son usage personnel et celui de ses habitants qui pourraient extraire de la pierre gratuitement à condition de ne pas en faire commerce.
Les deux chasses seront mises à prix :
* 1er lot, à l’est de la Seine, 1333 hectares à 120 francs.
* 2ème lot, à l’ouest de la Seine, 466 hectares à 60 francs. M. le Préfet accepte l’amodiation aux prix sus-énoncés puisqu’il n’y a pas eu d’amateurs avec les prix primitivement fixés par lui-même.
Avant 1789 la chasse était réservée au roi et aux nobles). Sous Louis XIV c’était le fusil à double détente, sous Louis XVI le fusil à vent (air comprimé).
Depuis la Révolution, tout propriétaire a le droit de chasser (ce droit fut revendiqué sur les cahiers de doléances). Il est reconnu que localement la terre a besoin d’une gestion, car lapins et sangliers détruisent les cultures, la lutte contre les grands prédateurs, ours et loups, était nécessaire, ils attaquaient les troupeaux. Ces prédateurs disparaîtront au moment de la 1ère guerre mondiale (1914-1918).
La démocratisation de la chasse s’inscrit dans un complément nécessaire à l’alimentation des petits paysans qui ne peuvent survivre sans cueillette ni chasse. En 1810, un permis de port d’arme est créé par Napoléon, puis en 1844 un permis de chasse, il coûte 25 frs ce qui correspond au montant d’un mois de salaire d’un ouvrier agricole.
* Le 6 mai 1838 : Délibération relative à la manière de délivrer les affouages à compter de l’exercice 1838, ce qui forme l’ordinaire de 1839 :
* Tout habitant de cette commune pourra avoir droit à la distribution de l’affouage qu’après avoir résidé au moins 1 an dans la commune et fait élection de domicile à la mairie. Les portions d’affouages seront partagées par le chef de feu ou de famille.
* Les veufs, veuves ou célibataires sans enfant ou domestique auront droit à une demie portion, pourvu qu’ils soient dans une chambre habitée par eux et qu’ils pourront prouver qu’ils font un feu à part.
* Les veufs, veuves ou célibataires qui habitent avec leurs enfants ou leurs parents auront droit à l’affouage, quand bien même ils seraient imposés à la cote personnelle et immobilière.
* Les portions des 14 personnes portées au rôle d’affouage venant à décider avant la mise en recouvrement du rôle seront vendeuses au profit de la commune si elles ne laissent personne dans leurs habitations qui l’un des deux époux ou des enfants de leur mariage. De même si ces personnes étaient décédées après le 1er janvier.
La commune est encore endettée de 4000 francs pour le pont, on délibère au sujet du paiement de 5 francs par les affouagistes prenant part en 1839. La présente délibération doit être affichée rapidement pour en informer les habitants (délai de 20 jours).
* Ce 3 août 1838, l’usine compte 150 ouvriers, tous étrangers, ils sont éloignés de leur famille, l’entreprise a beaucoup de correspondance commerciale, le facteur ne passe toujours pas chaque jour après l’arrivée du courrier, c’est une gêne sérieuse. Le Conseil par l’adjoint adresse une seconde demande au préfet afin que la poste fonctionne mieux.
Petite parenthèse à propos de la Poste. En 1669, une tentative d’acheminement du courrier à Paris avait échoué, un nommé Chamousset en 1759 créa la Petite poste de Paris : des facteurs relèvent des boites aux lettres disséminées dans la capitale et distribuent les missives adressées pour Paris. Avant la révolution, cette Petite poste fusionne avec la Grande poste des diligences, déjà nommée à propos de Mme Sévigné.
Le facteur (mot issu de la racine latine facto signifiant qui fait la tournée) a déjà les signes distinctifs de sa profession : il porte une sacoche, cependant il n’entre pas dans les habitations (il avertit de son passage avec un claquoir), il reçoit des étrennes en fin d’année en échange d’un almanach (destiné à l’acculturation des citoyens, c’est-à-dire à l‘assimilation de certaines valeurs culturelles). La profession de facteur va évoluer en s’étendant à tout le territoire. En 1902, les tournées à bicyclette sont encouragées, la tenue adaptée aux saisons et au terrain imposée tardivement, le salaire indexé sur le nombre de kilomètres parcourus. En 1903, l’Assemblée nationale convient qu’une tournée ne devrait pas excéder 32 km (environ 8 heures de marche). La croissance de la correspondance écrite a nécessité une constante évolution du service postal. Grâce à l’invention de la photographie, les cartes postales vont circuler nombreuses et parviendront, par le biais des greniers de nos anciens, à nous apporter des témoignages visuels précieux de nos villages il y a plus d’un siècle (Plaines tel qu’il était un peu avant 1900).
La population est de 779 habitants dont 227 ouvriers. 77 habitants de Plaines ou des villages très proches sont donc embauchés à la forge, les autres sont les étrangers (au nombre de 150). Nous avons des témoignages touchant ces premiers étrangers par Jean Placet dont les ancêtres, les Obéniche, furent parmi les premiers à s’installer. Ils bâtirent de leurs propres mains toutes les maisons face aux cités de l’usine le long de la 71 à gauche en direction de Dijon, entre le chemin de Vauricon et le verger proche de l’arrêt des cars. Cette famille Obéniche, composée du couple avec trois fils et une fille est arrivée à Plaines pour s’y installer et y travailler. Ils étaient scieurs de long, venaient de Pont de Roide (département du Doubs, près de Montbéliard). De cette région arrivèrent aussi les Desage et les Vaury, d’autres arrivèrent du Morvan, des Vosges ou du Massif central.
Le lieu choisi est proche des bois, des carrières, de la route et des deux rangées de maisons bientôt construites (les Cités) pour les ouvriers de la toute récente usine. La jeune fille montait « l’oiseau » sur son dos pour fournir le ciment aux hommes (l’oiseau était une hotte en métal). Les charpentes sont imposantes faites avec de grands troncs de peuplier taillés à coup de serpes. Ces constructeurs baptisèrent leurs maisons le « hameau des Forges » un document écrit, un billet de partage porte la date de 1837.
La famille Vaury arrivée du Doubs, remémorée par Ferdinand qui a pu se procurer des actes de naissance dont celui du premier Vori ce patronyme clairement écrit ainsi par le père déclarant une naissance, l’orthographe a été malencontreusement transformée à ce moment précis et Vori est devenu avec l’aide d’une phonétique efficace mais sauvage le Vaury que nous connaissons.
Nous ne savons pas comment s’effectua le recrutement des travailleurs étrangers au village.
A la réunion du Conseil suivant une grande inquiétude s’exprime car :
* Une des arches du pont se trouve à sec, toute l’eau coule sous l’autre arche il faut vite réparer également au pré communal, il faut enlever les alluvions et soutenir le pré avec des pieux, des entrelacs d’épines, de genièvre, en dehors des 2 journées affectées aux vicinaux, il faut obtenir que les habitants valides, quel que soit leur âge, effectuent ces travaux.
1°- le berger ne peut produire le bœuf à la commune, ce sera le maire, il l’entretiendra à son compte et il lâchera journellement sous le bâton du pâtre à condition qu’il soit rétribué par chaque vache 1f50, que la vache ait veau ou non au cours de l’année pourvu qu’il soit justifié que chaque bête ait fait veau.
Quant aux petites taures qui n’auraient point fait le premier veau, la rétribution ne sera exigible qu’au premier veau. Ceux des habitants qui vendraient leur vache et qui 6 mois avant ou 6 mois après, feraient le « saut du bœuf » n’en devront pas moins 1f50.
2°- Si le Maire fournisseur du bœuf voulait s’en dessaisir sans le remplacer par un autre convenable, il sera tenu d’en faire la déclaration au Conseil 3 mois avant pour assurer les fonds et faciliter le recouvrement au fournisseur.
Le nombre des habitants depuis l’installation des forges est très augmenté (+ 225), il faut acheter une maison pour le Desservant qui habite Mussy, son ministère veut qu’il soit souvent à Plaines. La maison Planson Roynot (entre l’ex-ferme Planson et A. Jacquemard) au centre du pays avec 3 chambres à feu, cabinet, grenier, cave voûtée, petite cave non voûtée, hangar, vinée, cour et jardin, le tout en bon état, clos de murets, convient, quelques travaux sont nécessaires. A prévoir l’achat de gonds, plâtre, planches, laves et un muid de chaux (du latin modius représentait des quantités très variables de liquides et solides – la pièce de 205 ou 228 litres équivalait à 1 /2 muid).
* 1838 : Dans le second registre, sont exposés trois litiges : avec Mussy les Indivis, la pétition à propos de l’usage abusif de l’eau par l’usine, enfin les « étrangers » veulent bénéficier des affouages.
La commune a en caisse 2700 francs, pour le pont elle ne devra plus que 2000 francs. La deuxième page présente un inventaire du mobilier et des papiers appartenant à la commune.
Une croix, celle dite des Murôts se dresse en bordure d’un chemin qui conduit aux bois des Cras au milieu des Lanes. Réparée et restaurée au début des années 2000, elle porte l’inscription gravée: Souvenir du chemin de la Croix le 23 avril 1839, puis quelques mots effacés, que commémore-t-elle ? Elle a été joliment restaurée et réinstallée en 2002, fragile elle est à nouveau brisée.
* En juillet 1840 : installation des nouveaux membres du Conseil municipal, renouvellement triennal de la moitié. Vote pour un agent voyer de plus dans l’arrondissement, surveillance et entretien des vicinaux. Les trois déclarent ne savoir signer.
* En janvier 1841 : institution et nomination d’un berger communal, décision du prix à donner par tête. Le berger actuel, le Sieur Louis Fèvre (fermier de Mme Moysen ex-ferme Roussiau) garde les bêtes à laine au prix de 15 centimes par tête jusqu’au nombre de 90 et de 10 centimes passé ce nombre, sans autre rétribution.
Le Conseil autorise le berger Léon Tiffon à se faire payer toutes celles qui ne seraient pas lâchées sous sa main sans être retenues sous un prétexte plausible. Le pâtre est toujours logé par les habitants, l’intérêt de la commune est d’acheter rue des Riceys, le logement composé de 2 chambres dont une à feu, grenier sur le tout et cellier dessous, avec petit jardin attenant, le prix n’excède pas 900 francs. M. le Maire est autorisé.
Les documents anciens nous disent que l’élevage des moutons pour la laine fut important, les abbayes surtout les cisterciennes (ordre religieux fondé au XIème par l’abbé Robert, réformé par St Bernard qui fut le premier abbé de Clairvaux dont dépendaient Gyé et Loches), possédaient de grands troupeaux et leurs propres granges : à Beaumont, Châtillon, Planay, Celles.
Essoyes et Plaines dépendaient de l’abbaye bénédictine de Molesmes, elle eut un abbé qui abandonna à viager sa grange de Villedieu au curé d’Avirey. L’Evêque de Langres faisait élever plus de mille moutons dans sa grange de la Chassaigne à côté de Châtillon. Des particuliers élevaient ou faisaient élever des troupeaux, cela générait du travail et des revenus. La quantité de laine fournie dépassait de loin la consommation locale. Il fut un temps où ces laines étaient vendues aux foires de Troyes, Bar-sur-Aube et Châtillon et même jusqu’en Italie. Débouchés assurés, l’élevage des moutons à laine a perduré notamment dans la région de Nogent -Troyes où un dicton affirmait « 1 champenois et 99 moutons font 100 bêtes ». Comme sur Châtillon : disparition des grands troupeaux après la guerre de 1914-1918.
* Le 21 juillet 1841, le Maire de Plaines en réponse à la lettre du Maire de Mussy relative à la délimitation des deux finages, répond par courrier au Maire de Mussy dans les termes suivants :
Monsieur le Maire de Mussy, Ce matin j’ai convoqué le Conseil municipal pour lui faire part de votre lettre ayant pour objet la décision du Conseil Municipal de votre ville relativement à la délimitation des finages de nos deux communes pour les opérations cadastrales qui y doivent avoir lieu.
Il résulte de la délibération prise ce matin par le Conseil Mpal de Plaines que ce dernier a, par sa délibération du 26 octobre 1830, demandé à la commune de Mussy à ce qu’il soit compris aux états de sections de la commune de Plaines, 535 hectares pris dans 2 tiers de la réserve de trois coupes ordinaires contiguës à un de ces tiers avec une enclave appelée les « Crats » et cette masse a été consentie et confirmée pour faire partie du territoire de Plaines par une délibération du Conseil municipal de Mussy en date du 17 janvier 1831; et ce n’est qu’en 1834 que cette délibération a été sanctionnée, non par une Ordonnance Royale mais par l’Administration supérieure, puisque depuis cette dernière époque, Plaines est imposé de cette masse de bois et en paie la contribution foncière en son nom délibéré et ne se voyait pas la nécessité de prendre une autre délibération que celle qu’il a prise en octobre 1830, que Mussy a approuvé en janvier 1831.
Sans doute que la plus grande partie des bois indivis entre ces deux communes, et la raison fait sentir que plus des deux 2/3 sont au-delà des limites du finage de Mussy, en considérant celles qui sont tracées dans les terres arables et les vignes avec le finage de Mussy. C’est donc à tort qu’on a méconnu la partie de bois qui doit appartenir au finage de Plaines pour tout comprendre en celui de Mussy, même une partie entourée de toute part par les finages de Plaines et de Gyé.
Si l’Administration supérieure eut rempli toutes ses obligations à cet égard, une Ordonnance royale serait sortie pour régulariser une jouissance incontestable à la commune de Plaines.
Dans l’attente que le Conseil municipal nouveau de votre ville sanctionne la délibération prise par son ancien Conseil du 17 janvier 1831. J’ai bien l’honneur Mr le Maire, Votre très humble et très obéissant Serviteur.
Very Colin, Maire. 21 juillet 1841.
Le cadastre est renouvelé. Le canton du bois dit « les Crats », 72 ha 53 ares 75 centiares séparé des 2 masses de bois communaux de Mussy et Plaines est enclavé de toutes parts dans le territoire de Plaines sera distraite de celle de Mussy sans qu’il y ait abandon de la jouissance d’y faire paître les bestiaux.
* 5 janvier 1842 : Le Chemin de fer passerait dans une partie des communes du canton, le maire et deux délégués parmi les habitants composeront la délégation qui se rendra à Mussy demain où 5 membres seront élus pour le comité d’arrondissement car le Conseil doit réfléchir au moyen de contribuer par des ressources futures au projet du chemin de fer Paris-Lyon et Paris-Strasbourg, aider le gouvernement et les actionnaires pour cette si importante et sublime entreprise. Le chemin de fer est convoité par plusieurs directions : Loire, Yonne, Marne et enfin vallée de la Seine. Les vignes dont une grande partie du finage se trouve couvert, attendu la modicité de la production, ne peuvent pas donner lieu à un rapport extraordinaire (il y eut cependant des expropriations inévitables et un manque à gagner des vignerons).
En juillet de cette même année, des réparations sont à effectuer à l’église et aux murs du cimetière. Nicas, architecte est contacté, il faut réparer une chapelle, reconstruire un mur de pignon, une voûte, changer de la charpente et la toiture du dessus de cette chapelle devra être réalisée en tuiles, autres travaux détaillés au devis, la dépense s’élève à 3000 francs honoraires compris. Nous apprenons ainsi que jusqu’en 1842, l’église était couverte avec des laves qui seront cette année-là remplacées partiellement par des tuiles, seulement sur la toiture de la chapelle réparée.
L’instituteur Mr Collier est décédé son remplaçant est reçu aux conditions suivantes comme son prédécesseur qui était instituteur, chantre et sonneur : Il est chantre / Il doit chanter les services religieux/, il est chargé de sonner l’angélus les jours de la semaine, mais point le dimanche ni les jours de fête. Il n’est nullement chargé de sonner les offices. Il recevra 40 centimes pour les élèves qui lisent, 50 pour ceux qui écrivent. Il suit les coutumes de son devancier. Il prendra son poste au plus tard le 10 juillet ou s’efforcera de trouver quelqu’un en l’attendant. L’école accueille alors 14 élèves indigents.
* 12 février 1842, Gabiot berger remplace Sonnois pour les vaches, son fils s’occupera des moutons. Les conditions du contrat sont à peu près les mêmes que celles des contrats précédents, les termes identiques aussi: les vaches sont « conduites et jetées » sous la main du pâtre , le bœuf pour le saut fourni et devra toujours suivre la vacherie, s’y ajoute le tarif pour les bêtes à laine 10 centimes par tête jusqu’à 100 têtes au-delà 7 centimes et demi, 40 centimes pour chaque vache le tout mensuellement, s’ajoute aussi le tarif de la vache gardée à la corde qui lui ne comporte pas l’obligation du pain hebdomadaire (plus le jour des Rois et Carnaval).
Le saut du bœuf est payé un franc et pendant les premiers mois que la vache est reconnue pleine de veau. Quant aux taures il ne sera payé au pâtre « le saut du bœuf » qu’après le 1er veau fait.
– Les vaches seront conduites par qui elles appartiennent jusque vers le pont ou dehors du village
– Un franc d’avance sera payé par chaque habitant ayant une ou plusieurs vaches.
* En juillet 1842 Il est difficile de comprendre la prétention de Mussy qui, il y a un an, a déclaré que Plaines avait droit seulement au 1/8ème sur les bois qu’elle possède en indivis.
Dans sa délibération motivée et unanime du 17 janvier 1831 le Conseil municipal de Mussy a consenti à la demande de distraction de 536 hectares 38 ares 73 centiares de bois pour être remis au territoire de Plaines.
– Ces délibérations ont obtenu un avis favorable de Mr le Préfet le 16.06.1832 arrêté de la préfecture du 12 juillet de la même année.
– Les deux agents appelés à donner leur avis sur cette affaire et particulièrement Mr Barré géomètre de 1ère classe, dans leur procès-verbal de reconnaissance des limites du territoire, ont été favorables à Plaines.
– Le Conseil d’arrondissement réuni à la salle de la sous-préfecture est d’avis que les réclamations de la commune de Mussy ne peuvent et ne doivent pas être accueillies.
* Le 12 février 1843 survient aussi le litige avec les Maîtres de Forges à propos de l’eau. PÉTITION (tréfilerie) rédigée comme suit : Les soussignés tous les habitants de la commune de Plaines ayant pris connaissance du rapport de Mr l’Ingénieur de Bar-sur-Seine sur la demande en autorisation d’établir une tréfilerie dans ladite commune par M.M Bazile, Louis, et Cie, maîtres de forges à Châtillon-sur-Seine déclarent qu’attendu que M.M les maîtres de forges ne s’obligent pas à donner à la commune de Plaines l’eau à prendre sur la grande vanne de décharge, celle qui a 2 mètres 65 d’ouverture et d’une hauteur proportionnée pour servir à l’alimentation de tous les habitants de ladite commune et principalement à renouveler d’eau vive les abreuvoirs publics. Que le système qu’ils proposent pour donner une aussi faible vanne d’eau pour le service de la commune ne peut être consenti. Ils s’opposent formellement à l’autorisation que demandent ces messieurs jusqu’à ce que les droits de la commune de Plaines à l’égard de l’eau qui doit lui être laissée soient suffisamment clairement énoncés.
* A Plaines le 20 vingt février 1843. Suivent les signatures des pétitionnaires puis celles du Conseil municipal.
L’eau si indispensable est évoquée ici pour la première fois avec les abreuvoirs publics. Quels étaient-ils ?
Il y a toujours au village une rue Basse des abreuvoirs qui descend à la Seine et la rue des Abreuvoirs qui longe la Seine.(Dans l’immédiat après 2ème guerre mondiale, les troupeaux de vaches au retour des pâtures, les chevaux ou les bœufs leur travail accompli, descendaient au bord de la Seine à 2 ou 3 endroits bien précis proches du lavoir communal et au pré communal dit aussi du 14 juillet, les animaux s’abreuvaient à longs traits avant de regagner leur ferme).
L’usine de Plaines est mise en cause car sa consommation d’eau est très importante, les habitants exigent que soit définie une autorisation respectueuse de leurs droits.
* En 1845 l’usine produit 3500 tonnes de fil de fer tout usage par an. Le minerai de fer utilisé vient d’Etrochey et Cerilly.
Etaient en fonction :
* Un « train de Puddlage » (du vocable anglais « puddler qui signifie brasser). C’était un ancien procédé métallurgique d’affinage qui consistait à décarburiser de la fonte liquide en la brassant sous l’influence de scories ou d’oxydes.
* Un martinet, marteau très lourd, actionné par l’énergie hydraulique.
* Deux hauts fourneaux produisaient de la fonte blanche.
Le groupe du châtillonnais comprenait : l’usine de Ste Colombe (chef de file), la tréfilerie d’Ampilly, la pointeuse de Chamesson, la tréfilerie et la galvanisation à Plaines. La roue hydraulique d’une puissance de 300 chevaux ne suffisant plus, une turbine Fontaine fut adjointe puis une machine à vapeur d’une puissance de 150 chevaux Voisieux et Richemond destinée à mener une partie de la tréfilerie en période d’eaux basses. Le problème de l’eau est à résoudre.
L’eau potable était depuis longtemps fournie par de nombreux puits, le village avait la chance de bénéficier de la nappe phréatique de St Hubert, mais l’eau de la Seine très utilisée était indispensable. La mémoire de certains de ces puits reste vive mais avec seulement quelques ruines dans le village : un puits intact extérieurement rue Marguet, deux très endommagés rue du Chapelier, et rue des Trois chats. Les registres notent celui qui fut installé à l’école des garçons lors de sa construction et quand il faut changer sa chaîne. D’autres se trouvaient : rue des Riceys, rue de la croix des Murots (dans la cour), dans toutes les fermes en bien des endroits, ils se cachaient dans les caves et certains fournissaient l’eau dans les maisons par l’intermédiaire de pompes (qui quelquefois étaient aussi reliées à des citernes recueillant et filtrant les eaux pluviales).
Les maisons les plus confortables, celles du village le plus souvent, possédaient des pompes installées à côté du lavier en pierre («évier», ALB III, carte 1525.) leur corps était en cuivre et leur balancier en fonte plus ou moins ouvragé. L’eau pompée provenait d’un puits individuel comme au Hameau des Forges dans les maisons Obéniche-Placet où subsistent encore deux puits en bon état un dans une cave relais Champagne-Bourgogne, à l’origine le café Diard en possédait un, la maison voisine également, un autre dans les jardins de la gare, un à la gare, un au Tourniquet, un derrière le couvent, un chez Dolly nombreux et bien connus cela ne supprimait pas le besoin de l’eau de la Seine.
Les pompes publiques ont été installées : au moulin, sur la place, vers l’usine, à mi-chemin des 2 rangées de cités (le Tourniquet) enfin une au couvent et une à la gare.
Sur la pierre (tirée souvent d’un très beau grès) du lavier sans pompe (aux cités de l’usine c‘était ainsi) il y avait toujours un grand seau d’eau claire sur le bord duquel était accroché le pochon ALB III carte 1484 avec lequel on se désaltérait. Ces points d’eau se trouvaient aux endroits mêmes d’anciens puits. En hiver les pompes habillées de paille, dressaient leurs étranges silhouettes frileuses, certains jours le grand et lourd triangle de bois tiré par un cheval chassait la neige sur les bas cotés.
Les Maîtres de forges géraient leurs usines avec paternalisme : ouvriers logés, coopérative de consommation (fut ouverte en 1873), destinée aux ouvriers du groupe châtillonnais, elle fonctionnait avec un système de timbres et de ristournes. Un cheval bai tirait une charrette pour les courses de l’usine, il livrait également le grésillon et la part de charbon donnée au personnel pour affronter les hivers toujours assez rudes. Les cheminées étaient ramonées chaque année par 2 ouvriers de l’atelier qui percevaient une rétribution pour ce travail sale et acrobatique. Les petits savoyards proposaient leur service aux villageois.
Après la construction des cités de la forge, un lavoir complètement sous abri fut bâti, assez spacieux, comportant deux plans de lavage en face à face avec une barre de suspension centrale. Il était très fréquenté, souvent tôt le matin quand les enfants dormaient encore, c’était le lieu d’une grande fatigue et aussi celui où circulaient les nouvelles entre femmes.
Ce grand lavoir a été édifié vite après les logements car la décaperie (lieu où se trouvaient les bacs d’acide pour décaper le fer) il fallut creuser et installer rapidement des conduites très proches justement du lieu où fut élevé le lavoir. Les habitantes en avaient grand besoin, n’ayant que quelques points d’eau à l’extérieur des maisons et beaucoup de linge à laver.
En général chaque femme venait au lavoir avec une brouette pour transporter la lessiveuse ou le baquet et le triyolot s,m,« caisse à laver», (ALB III carte 1565) de fabrication le plus souvent familiale, garni de vieux chiffons ou d’un coussin pour épargner les genoux de la lavandière, ranger une brosse et un gros savon de Marseille. Les laveuses s’entraidaient pour décharger les lessiveuses lourdes de linge trempé baignant dans le léchu ou luchu « jus de lessive, (ALB III, carte 1564) où il avait bouillu le plus souvent sur la cuisinière après avoir été échangé c’est-à-dire après trempage et prélavage.( les femmes disaient décrassé, prélaver est un mot de machines à laver !)
Au lavoir le linge était savonné, brossé et rincé. Sur la barre de bois centrale suspendue au-dessus du grand bassin les femmes « jetaient » avec vigueur et habilité le linge en attente de l’ultime rinçage. Le geste énergique et le plus beau ressemblait à celui du pêcheur avec son filet, il consistait à lancer les grandes pièces de linge, en les déployant à la surface de l’eau où elles flottaient un instant, à les tirer lestement vers la margelle, à rassembler le tissu tout en le tordant sur la pierre en le frappant du battoir pour en extraire le plus d’eau possible.
Le petit lavoir était un plan de lavage individuel aménagé sur le ruisseau venant de l’usine, juste à l’endroit où, à 90 ° il se glisse sous le remblai où passait la voie de chemin de fer. Il a connu une grande période de succès. Très proche des cités il dépannait pour un petit lavage, un arrosage du jardin, c’était aussi un lieu de jeux privilégié, mais justement interdit aux enfants qui s’amusaient à virevolter autour de la grosse barre en fer qui bordait ce joli petit cours d’eau fréquenté aussi par les libellules. Il a été modifié en 1970.
Au mois de mars de cette année-là, Plaines, joue les «Clochemerle» le garde champêtre a été révoqué car : Il a été partial à différentes fois contre les glaneurs, a préservé d’autres personnes qui faisaient paître des bestiaux dans des propriétés non dépouillées de leur production, a blessé à sabre nu le chien du boucher qui a été blessé pendant longtemps pour lequel ce garde a été frappé d’un jugement par la justice de paix. Pour ces motifs le Conseil municipal a enjoint Mr le maire à suspendre le salaire du trimestre courant. Le Sieur P. donne sa démission. Au cours de la relation des faits on peut lire :Que « le garde champêtre tirait son chanvre d’un ancien lit de rivière où était le nommé Prugnier-Bourgin qui faisait le pareil ouvrage. » Une information intéressante qui confirme avec le vocable chapier la présence de la culture du chanvre à Plaines. La répartition des cultures avec le finage qu’elles occupent n’est jamais évoquée et cette lecture entre les lignes fournit une information sûre et affirme la présence d’un tisserand et celle du boucher dont le chien a été sabré!
Le grand lavoir du village du long la Seine jouit d’une belle eau claire, il est posé à côté de la rivière, voisin de deux plages-abreuvoirs. Il est toujours entretenu, il n’a pas de barre centrale. Dans son proche voisinage deux lavoirs privés sous les arbres épousaient la rive et leurs propriétaires en offraient l’accès à leurs connaissances villageoises. Ces lavoirs suspendus, pratiquement deux petites cabanes couvertes, avec une porte à laquelle on accédait en descendant quelques marches, avaient des murs latéraux construits en pierre du pays, équipés d’un treuil qui permettait de monter ou descendre le plan de lavage (en bois) solidaire du plancher afin de suivre les variations du niveau de la rivière. L’unique ouverture permanente donnait sur la Seine avec sa grande planche de lavage inclinée où deux femmes pouvaient laver côte à côte. Si par maladresse la lavandière laissait échapper le précieux savon, c’était bien le diable si un enfant n’était pas présent et courait emprunter un râteau à Hélène la fermière voisine. Les martins pêcheurs nichaient en face dans la rive offrant la beauté de leur plumage dans l’éclair et le brio de leur fulgurant plongeon. C’était le lavoir à la petite Henriette Barrois.
* l’administration forestière demande le repeuplement des clairières dans les communaux Plaines-Mussy il s’agit du Champ des Louloups, du champ des Essartes, la Comme Jacquet et le champ des Nonnes en tout 7 hectares 53.
* Les friches communales situées en Rivière et à la Connée usurpées et cotées par certains sont revendiquées, le maire s’adressera aux usurpateurs pour leur faire rendre ces friches, ou on entamera des poursuites en cas d’infructueuse instance.
* Les travaux du chemin vicinal n°1 dit de la Rue du village, chemin des Larnes ou Lames à la route royale, (ALCB I 204 signifie fond de vallée), seront continués. La dépense est fixée à 593 francs plus 2 journées de prestations pour chaque homme, et celui de mulets ou bœufs et 2 francs pour chaque charrette attelée. Soit la somme de 526 frs.
* Le 5 novembre 1843 il est décidé que les peupliers du pré communal seront livrés au charpentier et selon son conseil vendus, le produit de la vente 120 francs permettra de faire enlever les 220 mètres cubes de pierres qui occupent l’espace entre le pré communal et le presbytère, les pierres mêlées à de la terre serviront à rejeter l’eau de la rivière vers l’autre rive, qui est d’un niveau supérieur à celui du pré, de créer une protection. Le pré ainsi défendu sera également agrandi par le déblaiement côté presbytère.
* L’emplacement qui se trouve au bas du pont, environ 1 hectare entouré par la vieille rivière et la rivière de Seine permet de retirer un revenu annuel en laissant encore de l’espace pour le chômage du bétail. Réserve expresse du passage avec la liberté à la disposition des habitants dans toute la longueur de cette ancienne rivière pour aller à la vieille rivière qui sert de « rouloir ». Tout le reste du terrain peut être amodié. (amodier est un verbe du latin médiéval qui signifie louer, employé en exclusivité dans tous les registres).
Le préfet fait savoir que chaque commune devra désormais payer un cantonnier communal pour assurer la conservation et l’amélioration des chemins créés en 1837.
L’année suivante le bas du pont n’est toujours pas amodié/loué/ mais 12 parcelles le sont pour la chasse il s’agit de la Carlette, Mont Serre, Champ Carlot, Petit Plain, Planté, Rivière, la Côte, Morte Fontaine, Voie des Riceys, Graie de geai, le Gravelerer, Voie Bernard. Amodiation pour 3 années consécutives, mise à prix à 30 francs, procéder par voie d’affichage à l’enquête du commodo et d’incommodo.
* Cette même année 1845 toujours le même problème avec les eaux qui descendent la Voie des Riceys lors des fortes pluies, trois mares ou puisards seront creusés sur les bas-côtés. Des travaux de fossés et de cassage de pierres sur le vicinal n° 1 (Plaines – route royale) et le n° 2 (Plaines – Mussy) sont à réaliser.
*** En 1847 une deuxième demande d’obtention d’affouages a été déposée en Mairie, refusée l’an dernier pour 80 personnes tous ouvriers ou employés de la forge.
Voici la réponse du Conseil : Pour bénéficier des affouages il faut :
*1° le titre d’habitant de la commune
*2° Parmi les réclamants certains sont là depuis 1 an d’autres depuis quelques mois.
*3° La condition indispensable de leur engagement à l’usine c’est qu’ils soient logés et chauffés « que pour cette raison et d’autres encore ils ne soient et doivent être considérés que comme des Serviteurs, attachés à un maître, à la maison d’un maître qui les conserve ou les change arbitrairement. »
*4° Contre toute justice on ne peut admettre au partage de l’affouage la population flottante et mobile de la forge. Les seuls habitants réels de la commune y ont droit tant par leur naissance que par leur résidence.
Demande rejetée.
Le Conseil écrit également une lettre au Préfet en voici les principaux termes :
(….) Or peut-on soutenir que des ouvriers forgerons enrégimentés en quelque sorte par une société puissante qui a des usines dans plusieurs départements et qui suivant les besoins de sa fabrication transporte d’un point à un autre les ouvriers dont elle a besoin, pouvons – nous soutenir disons – nous que ces habitants ont un domicile fixe (……) Depuis 1837 aucun ouvrier n’a réclamé un affouage, logés et chauffé dans des bâtiments accessoires ils sont considérés attachés exclusivement à l’usine (…..) Ces étrangers forment à la porte du village une population inquiète et turbulente et l’agriculture a plus perdu que gagné dans ce voisinage imposé par les Maîtres de Forges du Châtillonnais. Le Conseil de préfecture saura que la demande (de droit aux affouages) qui lui a été soumise a été imaginée non par les forgerons, mais par les Maîtres de forges. Ce n’est peut-être qu’une arrière- pensée cupide que Mrs les Maîtres de Forges auraient conçue pour s’exonérer du chauffage qu’ils doivent à leurs ouvriers.
Les règles qui régissent les affouages sont revues cette année-là avec les points techniques suivants, l’entrepreneur devra :
* façonner les bourrées aussitôt les taillis abattus, elles auront 85 cm de pourtour, 1m50 de haut et ne devront pas comprendre de biens au-dessus de 2 cm de diamètre. Livraison immédiate.
* Les perches seront élaguées en abattant la taille, les épines qui doivent en faire partie coupées à la hauteur déterminée par l’administration forestière.
* Les coudriers et autres brins de bois bons à faire les cercles seront laissés dans toute leur longueur (nous voyons ici le souci de ne rien perdre, de conserver le matériau qui est nécessaire à chacun (tonnelier, fabricant de paniers et de hottes …)
* La futaie abattue, l’entrepreneur comptera, estimera, numérotera avec attention et façonnera en bourrées les houppiers et les branchages, la futaie sera livrée avec les houppiers le 1er mars suivant.
* Les copeaux d’abattage doivent être laissés au pied de chaque arbre.
* Les épines seront arrachées courant juin à une époque fixée par l’administration forestière. L’entrepreneur sera responsable des délits survenus sur les coupes (art 12). Il sera payé 717 frs par Plaines, dont 25 frs pour le lotissement et 692 frs pour le surplus.
La commune de Plaines coupe environ chaque année 5 hectares de bois qui lui sont attribués à titre d’affouages pour les habitants, environ 150 affouagistes. En dehors des pétitionnaires, il existe 175 chefs de famille recevant chacun 1/17ème de production des 5 hectares attribués, les charges s’élèvent à 12 frs, pour chacun le bois reçu n’est à peu près que la somme payée.
* En décembre le Maire fait remarquer que Mrs Basile et Louis Maîtres de Forges, amodiateurs de la carrière de Morte Fontaine pour 3, 6, 9 années par bail du 23 août 1840 ayant déclaré cesser à la seconde période d’août 46, ce bail considéré terminé et non payé malgré la déclaration de cessation, ces Maîtres de Forges n’en avaient pas moins continué à extraire de la pierre et en extrayaient journellement. Le Conseil estime qu’il y a lieu de regarder le bail comme non terminé et qu’il ne finira maintenant que le 23 août 1849. Le Maire invite à faire les diligences nécessaires pour maintenir les intérêts communaux.
* Pour les travaux de l’église, sur les 2000 frs empruntés il reste encore à payer… les bois provenant du presbytère après réparation de la charpente seront vendus sans doute à peu près au prix de cette dette.
* La cause de Plaines jugée par le Conseil de préfecture sera portée devant le Conseil d’Etat et soumise à son jugement. Il faut réunir les pièces du dossier, contacter avoués et avocats, le Maire est prié de se rendre à Paris en personne, 70 frs sont votés pour ses frais, on lui déclare à l’avance approuver tout ce qu’il fera pour être utile à la commune.
Il est répété que les ressources de la commune sont toujours très faibles, produites par les biens de petites propriétés, le coupon de réserve de bois invendu, les prix ont été élevés l’an dernier en raison du désaccord avec les Maîtres de Forges.
* Enfin l’instruction ne devrait pas être refusée aux enfants des ouvriers, les Maîtres de Forges doivent y remédier en instituant à leurs frais un local et un instituteur. Communication au Préfet qui approuvera cette mesure que les ouvriers forgerons considéreront juste, attendu que dans la majeure partie des usines où ils ont travaillé il y avait dans chaque usine un instituteur logé et rétribué. Pour l’instant le Préfet taxe à nouveau le montant à payer par les parents pour la scolarité de leurs enfants.
L’instituteur propose de ne recevoir que 0,50 et 0,75 franc mensuellement, au lieu de 0,75 et 1 franc indiqués par le Préfet, car le Conseil continue à lui verser un supplément de 100 frs qui s’ajoutent à ses deux cents francs de traitement. La quête annuelle du vin lui rapporte 150 frs, le secrétariat de mairie 45 frs plus le salaire de chantre à l’église, fonction évoquée précédemment, la rétribution payée par 110 élèves environ.
Après cette revue de détails des ressources de l’instituteur, il apparaît qu’un poêle neuf a été acquis l’an passé pour 50 frs mais le bois est toujours apporté à l’école par les enfants, ce qui représente une économie de 50 frs par mois pour la commune.
* Une lettre du Conseil départemental vient donner droit à l’affouage au Sieur J.B Chapuis et aux 79 autres employés de la tréfilerie. Le Conseil municipal délibère et décide de faire appel contre la décision.
Le Maire est chargé de contacter avoués et avocats. A cela s’ajoutent les travaux et dépenses permanentes pour les vicinaux avec l’aide des hommes, de leurs bêtes et de leurs charrettes. Il faut les solliciter souvent. Enfin, l’adjudication faite par l’administration forestière des coupes de bois à délivrer en nature aux habitants est beaucoup exagérée, le Conseil délibère et s’associe à celui de Mussy pour protester, de plus la futaie a 20 ans au lieu de 25 et est loin d’être belle.
– Le garde champêtre a quitté le pays depuis plusieurs jours, le Maire a fait annoncer à son de caisse la vacance de ladite place.
– A cette réunion du 4 juillet 1848 est détaillé le produit d’une quête faite pour Paris, (frais imposés par la présence d’un grand nombre de gardes nationaux). Le gouvernement, après la révolte de février 1848, afin de réduire le chômage a créé dans la capitale et dans plusieurs grandes villes de province des chantiers appelés Ateliers nationaux. Leur fermeture a provoqué de nouvelles journées insurrectionnelles du 23 au 28 juin.
Le roi Louis-Philippe abdique et part en exil en Angleterre où il meurt 2 ans plus tard. Le futur Napoléon III s’est évadé du fort de Ham en 1846 il arrivera au pouvoir par le coup d’Etat du 2 décembre 1851.